dimanche 29 septembre 2013

I. La Femme en Paleo Islam






Avant-Propos,

Dans ce fil, je vais traiter du statut de la femme dans l'islam primitif. Les personnes qui ne sont pas familiarisées avec l'exégèse coranique et la critique historique peuvent être surprises du thème de ces articles. Or, nous allons voir que le sujet qui n'est connu que trop peu est un sujet qui nécessitait une diffusion hors des milieux restreints.




Nous allons traiter dans les articles suivants du statut de la femme dans l'islam primitif, selon la critique historique et suivant la linguistique moderne. Nous prions les lecteurs de ne pas aborder ces articles comme des articles théologiques ou comme une remise en question des usages contemporains. Il s'agit bien d'une approche scientifique, et non d'un travail théologique ou à but religieux. Par ailleurs, il semblerait que l'islam contemporain, quoi que s'étant éloigné de celui des origines vécu du temps du Prophète, se situe dans la continuité de l'approche de disciples directs du Prophète. L'inquiétude touchant les risques de dérives chez les fidèles par manque de pudeur semblait motiver une certaine tendence chez plusieurs disciples à limiter certains droits octroyés aux dames par le Prophète. Le rite hanbaliste n'exigeant ainsi des femmes non musulmanes que de se couvrir la région se trouvant entre le nombril et les genoux. Quoi que choquants par rapport aux valeurs musulmanes contemporaines, il faut se souvenir que des femmes dénudées circulaient en public sans que cela ne heurte il y a à peine deux générations.








vendredi 27 septembre 2013

II. Habit et Code Vestimentaire dans le Paleo-Islam


A. La Vestimentation dans le Paleo-Islam :


Nous tenons depuis Tabari au moins que les recommandations vestimentaires du Coran visaient à différencier les femmes libres des esclaves par leurs tenues. A cette époque, la notion de code vestimentaire fondée sur la pudeur était étrangère aux Arabes. Il était courant de trouver des femmes entièrement nues faisant des circumambulations autours de la Ka'ba. En lisant et interpétant les termes coraniques comme le حجاب [hiʤæːb], le جلباب [ʤiˈlbæːb] et le خمار [ximār] sous cette optique, dans ce contexte socio-antropologique nous acquiérons une approche saine plus pertinente et vérifiable du sujet point de vue historico-critique. Néanmoins, de nombreuses valeurs culturelles et morales ont été instituées dans le monde musulman après l'époque du prophète Muhammad.


 
Avant l'islam, les esclaves restaient nus. La partie située entre le nombril et les genoux leur devient impératif de vêtir. Le Coran, visait en recommandant aux dames de prendre leurs draps en sortant en sorte d'être reconnues "se différencier des esclaves" : qu'elles ne sortent plus entièrement nues comme les esclaves.


A-I. Vêtissez vos esclaves de ce dont vous vous vêtissez :

Le commandement rapporté dans certains hadiths disant : "vêtissez vos esclaves de ce dont vous vous vêtissez" rappelle que ceux-ci n'étaient pas auparavant considérés comme des humains à part entière et n'étaient pas dotés d'habits, et étaient en outre contraints de manger des restes de leurs maîtres. Les habits en soie et les longues traînes étaient un signe ostentatoire démontrant la richesse des plus fortunés d'entre les Arabes. Le besoin du port des habits chez les Arabes n'avait pas encore de connotation de pudeur, mais une connotation liée à la classe sociale des individus.


A-II. Si tu lui donne ta pagne il ne te restera rien, et si tu le porte elle n'en aura rien :

Dans de nombreux hadiths, nous lisons la description de personnes dépourvues de tout habit ou possédant un seul habit couvrant seulement le bas du corps. A ce sujet, un hadith rapporté par al-Bukhari cite semble-t-il le cas d'une femme se présentant à la mosquée de Yathrib entièrement nue avant toute institution vestimentaire, et dont l'appréhension aurait évolué au fil des siècles et de l'évolution des moeurs à mesure de l'éloignement de l'époque du prophète Muhammad. Il ne sied pas de s'étonner de cela, car le verset coranique autorisant aux femmes de se proposer comme épouses au Prophète est le verset 50 de la sourate al-Ahzab. Or le verset recommandant aux épouses du Prophète d'accueillir les hommes venant poser des questions de derrière les rideaux de leurs chambres viendra trois versets plus loin dans la même sourate. Quant à l'homme demandant d'épouser cette dame après le refus du Prophète, il ne possédait qu'une pagne pour se couvrir uniquement le bas du corps. Ainsi, le Prophète fit la remarque si ce dernier n'offrait pas sa pagne à la femme celle-ci n'en aurait rien, et que si il la lui donnait ce serait lui-même qui en serait privé. En effet, les transmetteurs précisent que cet homme ne possédait qu'une pagne pour se couvrir le bas du corps et que le Prophète a observé la dame de haut en bas et baissé les yeux en signe de refus. Nous comprenons par ce récit que la femme comme l'homme étaient démunis. Nous allons voir dans le hadith rapporté selon Aicha un peu plus loin, qu'après le verset du ximār les femmes de Yathrib ont découpé leurs pagnes pour se couvrir le haut du corps. Autrement dit, il était avant ces versets anodin pour les femmes de sortir nues et les seins apparents. Et le verset visait bien cela.

Dans le paleo-islam la question du code vestimentaire faisait que les femmes sortaient en public les seins apparents, et même entièrement nues comme cela se constate dans toutes les sociétés précaires et pauvres. Le Coran recommandant donc de se munir de draps en sortant de nuit en sorte de se différencier des esclaves et plus tard de rabattre leurs couvertures sur leurs poitrines. L'évolution des moeurs et usages postérieure chez les générations ultérieures a conduit à une compréhension erronée des hadiths et récits transmis par les premières générations par anachronisme. 


A-III. Les femmes d'avant l'islam ne se couvraient pas la poitrine, le verset recommandait cela :


Récit selon ibn Kathir :

« Qu'elles rabattent leurs couvertures sur leurs poitrines » (...) La couverture devait être désormais rabattue sur la poitrine à contrario de l'usage des femmes du temps de l'ignorance. Les femmes du temps de l'ignorance ne faisaient pas ainsi. Au contraire, la femme sortait au milieu des mâles les seins nus sans les couvrir de quoi que ce soit. Parfois elles exhibaient leurs cous, leurs tresses et leurs boucles d'oreilles. Allah a recommandé aux croyantes de se dissimuler tant par leur vestimentation que par leurs activités. (...) Said ibn Jubayr, explique cette partie du verset ainsi : Qu'elles rabattent leurs couvertures sur leurs poitrines en sorte que rien n'en reste visible. al-Bukhari rapporte : Ahmad ibn Chabib rapporte.. Aicha a dit : Lorsque le verset « Qu'elles rabattent leurs couvertures sur leurs poitrines »  a été révélé, les femmes de Yathrib ont découpé leurs pagnes pour s'en couvrir, ibn abu Khatim a dit : Mon père m'a rapporté... Safiyyah bint Chaïba a raconté ceci : Nous étions en présence d'Aicha, et discutions au sujet de la supériorité des femmes de Qoraïche. Aicha a dit : Certes les femmes de Qoraïche ont leurs supériorités, or Dieu m'est témoin que dans la reconnaissance du Livre de Dieu je n'ai pas trouvé de femme supérieure aux femmes des AnsarLorsque le verset de la sourate Nur disant « Qu'elles rabattent leurs couvertures sur leurs poitrines » a été révélé, les mâles sont rentrés chez eux leur transmettre ce qui a été révélé par Dieu.. Chacun a récité ce verset à son épouse, à sa fille et ses cousines. Toutes sans exception se sont mises à prendre leurs habits avec des motifs et des dessins pour s'en couvrir intégralement en signe de soumission au verset de Dieu et pour s'y appliquer. Le lendemain matin, elles se sont présentées derrière le Prophète étant complètement voilées. Au point qu'on aurait dit que des corbeaux s'étaient posés sur elles. Ce hadith est également transmis par une autre voire par abu Dawud, par la voie de Safiyyah bint Chaïbah... (ibn Kathir, Exégèse du Coran) 


A-IV. Que celle qui n'a pas de jilbāb en demande à son amie :

On rapporte d'Aicha que lorsque le Coran recommanda aux femmes sortant dénudées de nuit pour faire leurs besoins de prendre sur elles de leurs draps, étant donné qu'ils dormaient nus et ne disposaient pas de toilettes dans leurs demeures, on vint s'enquérir chez le Prophète au sujet de femmes n'ayant pas de draps pour se couvrir. Celui-ci aurait alors dit que celles qui ne disposent pas de draps devraient en demander à leurs amies. Plus tard un second verset leur commandera de rabattre leurs couvertures sur leurs poitrines, ce qui montre que ces recommandations visaient bien originellement une vestimentation minimale et non une vestimentation codifiée précise.



B. La Chronologie des versets liés au code vestimentaire :

B-1. Le verset du hijāb recommandant aux épouses du Prophète d'accueillir les hommes de derrière les rideaux séparant leurs chambres de la mosquée :

Le terme حجاب du verset du hijā[ħiˈdʒæːb] (Cor. 33:53) désignait, comme cela a déjà été souligné dans l'article précédant les tentures séparant les chambres des épouses du Prophète flanquées à la grande mosquée de Yathrib de l'enceinte de la moquée accessible au public. Malgré que le prophète n'a rien recommandé de tel, ses épouses avaient pris l'initiative de se couvrir intégralement en sortant en sorte de se voiler aux yeux des mâles y compris à l'extérieur. Le Prophète n'ayant ni exigé ni interdit cette pratique allait néanmoins interdire de se voiler le visage et les mains lors du pèlerinage. Et dit-on lorsqu'un jour Umar ibn al-Khattab s'écria en reconnaissant Sawda dans ses draps un soir qu'elle sortit faire ses besoins, le prophète allait leur dire : "Dieu vous autorise à sortir pour vos besoins". Leur autorisant donc de sortir quand cela est nécessaire sans autre précision vestimentaire spécifique.

Selon un hadith retenu comme faible, le Prophète aurait exigé de ses épouses de se voiler même devant ibn umm Maktum qui était pourtant aveugle en les voyant se dénuder en sa présence, en argumentant "il est aveugle" en leur répliquant "si lui est aveugle l'êtes-vous vous aussi ?" pour soutenir par là que le voile intégral serait commandé par celui-ci. Or, il est connu que seulement une poignée des malvoyants est complètement aveugle, et il faut souligner qu'il est évident que les épouses devaient se dénuder dans leurs domiciles en partie voire entièrement pour par exemple se laver. Car leurs chambres étaient fort exiguës, et la chaleur devait les amener à régulièrement se dénuder spontanément en présence d'ibn umm Maktum. Tandis que l'évolution des moeurs et le changement des usages chez les générations postérieures les conduisait à comprendre de ces termes "se dénuder" : l'idée qu'elles dévoilaient leurs cheveux voire leurs visages. Il est évident qu'il s'agissait de se dénuder davantage. Il aurait été complètement inutile de se voiler devant une personne entièrement aveugle.


B-2. Le verset du jilbāb et la recommandation de ne plus sortir nues à la manière des esclaves :

Originellement, le verset du jilbāb (Cor. 33:59) visait à éviter aux musulmanes d'être agressées en sortant de nuit pour faire leurs besoins par les hypocrites prétextant qu'ils les ont pris pour des esclaves. Or la partie du corps devant être couvert par le drap (جلباب)  n'était pas spécifiée. Mais l'évolution des usages a conduit avec le temps à également interpéter ce verset comme commandant le voile intégral ou la couverture des cheveux. Pourtant le verset du khimār allait encore plus tard recommander aux coryantes de "rabattre leurs couvertures sur leurs poitrines", montrant que cette interpétation est erronée et anachronique. De fait, si le verset du jilbāb visait un voile intégral, il aurait été inutile de leur commander encore plus tard de rabattre leurs couvertures sur leurs poitrines, de même que pour le verset du jilbāb qui  ne visait nullement une tenue vestimentaire mais concernait les rideaux des chambres des épouses du Prophète. La tradition rapporte que ce verset visait bien les femmes qui, selon les usages, sortaient après ces deux versets les seins découverts. Par ailleurs, beaucoup d'entre elles n'avaient pas assez de draps pour se couvrir intégralement.


B-3. Le verset du khimār recommandant de rabattre leurs couvertures sur leurs poitrines :

Le terme khimār, comme cela a déjà été étudié dans l'article précédant désignait simplement une couverture au verset (Cor. 24:31), et il était question de rabattre une couverture sur la poitrine, sans viser le corps en entier ou les cheveux, et les termes "sauf ce qui demeure apparent" prouvent cela très clairement. Tout comme le mot désigne un couvre-chef si la couverture se pose sur la tête : la racine x-m-r signifiant l'idée de couvrircacher, l'endroit que le verset recommande ici de couvrir est bien explicitement la poitrine, plus précisément le milieu du torse جيب [ʤayb]. Le mot ʤayb  signifiant de par sa racine l'idée de "ce qui sépare deux choses", "ce qui ouvre l'interstice". Ce qui est désigné ici est bien l'enfoncement entre les deux seins au milieu de la poitrine. Le mot ʤayb est de la même racine que les termes ʤawb et ʤiyb désignant "réponse" ou "puits". جوب signifie l'idée d'ouvrir ce qui est obscur, et جبب le puits ouvert pour accéder à l'eau. Quant au terme ضرب [dˁarb] rendu par "rabattre" il signale l'idée de serrer deux choses l'une contre l'autre.

al-Bukhari rapporte, par la voie d'Ahmed ibn Chabib, d'Aicha aurait dit : « Lorsque le verset disant "qu'elles rabattent leurs voiles sur leurs poitrines" a été révélé, les femmes de Yathrib ont découpé leurs pagnes pour se couvrir avec ». ibn Kathir rapporte à ce sujet dans son ouvrage d'exégèse, "avant ce verset, les femmes sortaient devant les hommes les seins nus, sans les couvrir en aucune manière". Autrement dit, lorsque le verset du khimār a été édicté, les dames de Yathrib ont découpé leurs pagnes qui leur permettait de se couvrir le bas du corps (le terme izār rendu ici par pagne servant à couvrir le bas du corps), ne disposant pas de draps pour appliquer la recommandation du verset, au point qu'Aicha vantera celles-ci pour s'en être couvertes intégralement par piété après que leurs époux leur aient transmis tel quel ce verset. Certains savants soutiennent que le khimār serait un couvre-chef déjà utilisé avant l'islam et que le verset commanderait en fait simplement de les rabattre sur la pointrine", or cette interprétation est anachronique et sans fondement comme cela ressort de ce témoignage d'Aicha. Le fait qu'il soit fait mention ici de découper leurs pagnes pour s'en couvrir intégralement après ce verset montre qu'elles ne disposaient pas de larges voiles couvrant leurs têtes comme prétendu de la sorte en sorte de les rabattre simplement sur la poitrine et devaient même découper de leurs pagnes pour se couvrir le haut du corps. L'évolution des usages ayant conduit à attribuer un sens particulier au khimār postérieurement au Prophète les conduisant à mal comprendre ce verset par tautologie, sans aucun élément argumentatoire vérifiable.


 

Rabatte leurs couverture sur leurs poitrine "hormis ce qui demeure apparent (de leurs charmes)" ayant été appliqué par piété par les dames de Yathrib par le voile intégral ignorant ce qu'il est permis de laisser découvert, a été appliqué par d'autres croyantes de façon fluctuante selon les époques, les lieux et les interprétations : laissant nus tantôt les bras, les jambes... A l'époque d'Umar ibn al-Khattab, l'usage des dames de Yathrib sera standardisé comme l'exemple à suivre sans que cela ne soit admis ni appliqué par toutes. Spécialement dans les milieux campagnads. 


B-4. La prise de l'exemple des femmes de Yathrib comme référence :

Les femmes de Yathrib ignorant ce qu'il était permis de laisser apparent s'étant couvertes intégralement à la suite du verset du khimār par les termes "sauf ce qui demeure apparent", et la parole d'Aicha les vantant pour cela spécifiquement montre implicitement que les autres croyantes ne l'avaient pas appliqué ainsi. Du temps d'Umar ibn al-Khattab, étant donné qu'il n'y avait pas une seule façon de se vêtir, un débat sur "la façon correcte de se vêtir" fut lancé, et cela montre qu'il n'y avait pas un consensus quant au sens de ce passage du Coran jusqu'alors. Or, certains compagnons comme ibn Mas'ud et ibn Abbas, ont soutenu la pratique des ces dames de Yathrib comme une règle impérative. Cela témoigne en réalité de ce que toutes les femmes ne se couvraient pas de la même manière du vivant du Prophète. Ainsi, même en ville, Sukaïna bint al-Hassan, et encore d'autres grandes dames refusaient de se couvrir les cheveux, et cela montre qu'il n'y avait pas une seule interprétation de ces versets dans l'islam primitif.

Ainsi nous parvenons à une meilleure appréhension de ces versets lorsque nous savons que les femmes esclaves étaient entièrement nues et forcées à la prostitution dans les temps préislamiques en Arabie. De par ce que les esclaves se promenaient nues à l'époque nous comprenons que l'incitation à se différencier de celles-ci des dames libres visait initialement bien le fait de ne plus sortir entièrement nues et les termes "qu'elles prennent sur elles de leurs draps" marque cette nuance de façon évidente.


يُدْنِينَ عَلَيْهِنَّ مِن جَلَابِيبِهِنَّ ذَلِكَ أَدْنَى أَن يُعْرَفْنَ فَلَا يُؤْذَيْنَۜ
(Cor. 33:59)
Qu'elles prennent sur elles de leurs draps, cela est plus proche à les différencier en sorte de ne pas être dérangées.


Aicha, comme Maymunah, rapportant qu'elles se "bouchaient le lieu d'où jaillit le sang lors des règles", témoigne que celles-ci se couchaient bien complètement nues en temps normal. En citant trois périodes de la journée où se dénuder, le Coran renforce encore cela explicitment. Les femmes qui dormaient donc entièrement nues selon les usages, et qui sortaient faire leurs besoins dehors nues à la manière des esclaves étaient recommandées à prendre de leurs draps en sortant de manière à éviter les agressions des hypocrites. De même, le jour de la conquête de la Mecque, selon ce qui est rapporté par al-Bukhari, à la visite d'Umm Hani chez le prophète Muhammad cette cousine du prophète trouva celui-ci faisant son bain, tandis qu'à son arrivée sa fille Fatimah se leva le cacher à sa vue par un habit, ce qui serait inutile si Fatimah était seule avec son père dans la pièce. Le Coran commandant pour cette raison aux plus jeunes de toquer avant d'entrer, visant à éviter en fait de trouver leurs parents en train de copuler. Mais non pas pour une question de nudité au sein famillial. Cela aussi témoigne de l'ampleur des changements des moeurs vestimentaires depuis cette époque.


B-5. Notion de code vestimentaire et hadith dit d'Asma :

Dans un hadith faible (moursal), il est affirmé que le Prophète vit Asma habillée d'un vêtement translucide et qu'il lui aurait recommandé de ne laisser apparent que le visage et les mains. Comme ce hadith est faible, celui-ci n'a aucune valeur du point de vue critique historique. L'usage de se couvrir les cheveux ou de se couvrir intégralement vient donc de l'usage des femmes de Yathrib ignorant ce qu'il était permis de laisser découvert selon le verset disant "de n'exhiber de leurs charmes que ce qui demeure apparent".  C'est pourquoi Aicha les vanta pour cette pratique. A ce moment là, l'islam s'étendait pourtant de Yathrib au Yémen. Les débats sur ce qui devait être couvert après le décès du Prophète témoignant de ce qu'il n'y avait pas une interprétation standard de son vivant.


B-6.  L'obligation de prier avec un khimār, et l'approche des gens de Médine selon Malik ibn Anas :

حَدَّثَنَا هَنَّادٌ، حَدَّثَنَا قَبِيصَةُ، عَنْ حَمَّادِ بْنِ سَلَمَةَ، عَنْ قَتَادَةَ، عَنِ ابْنِ سِيرِينَ، عَنْ صَفِيَّةَ ابْنَةِ الْحَارِثِ، عَنْ عَائِشَةَ، قَالَتْ قَالَ رَسُولُ اللَّهِ صلى الله عليه وسلم ‏"لاَ تُقْبَلُ صَلاَةُ الْحَائِضِ إِلاَّ بِخِمَارٍ" ‏.‏ قَالَ وَفِي الْبَابِ عَنْ عَبْدِ اللَّهِ بْنِ عَمْرٍو ‏.‏ وَقَوْلُهُ ‏"‏ الْحَائِضُ ‏"‏ ‏.‏ يَعْنِي الْمَرْأَةَ الْبَالِغَ يَعْنِي إِذَا حَاضَتْ ‏.‏ قَالَ أَبُو عِيسَى حَدِيثُ عَائِشَةَ حَدِيثٌ حَسَنٌ ‏.‏ وَالْعَمَلُ عَلَيْهِ عِنْدَ أَهْلِ الْعِلْمِ أَنَّ الْمَرْأَةَ إِذَا أَدْرَكَتْ فَصَلَّتْ وَشَيْءٌ مِنْ شَعْرِهَا مَكْشُوفٌ لاَ تَجُوزُ صَلاَتُهَا ‏.‏ وَهُوَ قَوْلُ الشَّافِعِيِّ قَالَ لاَ تَجُوزُ صَلاَةُ الْمَرْأَةِ وَشَيْءٌ مِنْ جَسَدِهَا مَكْشُوفٌ ‏.‏ قَالَ الشَّافِعِيُّ وَقَدْ قِيلَ إِنْ كَانَ ظَهْرُ قَدَمَيْهَا مَكْشُوفًا فَصَلاَتُهَا جَائِزَةٌ


Il est bien connu que l'Imam Malik se fondait sur la pratique des gens de Médine pour sa jurisprudence, or le hadith Sahih mentionné ci-dessus exige à la femme de se munir de son khimār pendant la Salat. Or, l'Imam Malik ne considère pas que la femme doive couvrir tout son corps lors de la prière, ce qui montre que le sens du mot khimār a bien subi une dérive sémantique depuis son époque. Voici une synthèse de la notion de awra que le khimār doit cacher lors de la prière selon l'Imam Malik :

Pour la femme libre : La nudité (ʔAwra) Muɣallaza (essentielle) : c'est tout son corps sauf ses membres, sa poitrine, le haut du dos et ce qui au dessus.

La nudité Muxaffafa (légére) pour elle (dans la prière) est constituée de sa poitrine, le haut du dos, les bras et avants bras,le cou, la tête et du genoux jusqu'aux pieds.

Le visage et les mains ne sont pas du tout une nudité pour la femme.


Celui ou celle qui prie (sans l'oubli ou l'impossibilité) sans couvrir une partie ou la totalité de sa nudité essentielle (Muɣallaza) : sa prière est invalide et il faut qu'il la refasse (rattrape) obligatoirement même si son temps est fini.

Pour celui ou celle qui prie sans couvrir sa nudité légère (Muxaffafa) sa prière reste valide mais il lui est préférable de refaire sa prière dans le temps de celle-ci (en se couvrant correctement).   

Exception : Pour la femme si elle découvre le dessous des pieds (la plante des pieds) elle ne refait pas sa prière même dans le temps. Si l'homme prie en ne couvrant pas ses cuisses ou son bas du ventre (au dessus du pubis) ou le bas du dos (au dessus des fesses) : sa prière reste valide et il ne la refera même pas dans le temps imparti pour cette prière." (Fin de citation, voir Kitāb al-Fiqh ʔalā al-maðāhib al-ʔˤrbaa tome I page : 172 et voir les vers d'ibn 'Âshir à ce sujet.)

Cette approche est importante, car il s'agit d'une démonstration indirecte du sens primitif du terme khimār. La pratique du temps du Messager sur base du verset du khimār justifiait de se couvrir complètement, tandis que le sens primitif original du terme khimār justifiait cette lattitude en privé pendant la prière.



C. Synthèse et conclusions :


Tous le fait que tous les hadiths présentés comme imposant la couverture des cheveux consistant : en la pratique des épouses du Prophète d'après le verset du hijāb [ʤiˈlbæːb] ou en l'usage des dames de Yathrib et l'absence catégorique d'instruction extra-coranique du Prophète, constitue un élément charnière sur ce sujet. Sur ce point, nous pouvons aisément conclure que les termes coraniques جلباب, حجاب et خمار ont été historiquement interprétés suivant l'usage des dames de Yathrib, tandis que dans le paleo-islam et du vivant du Prophète la situation était sensiblement différente.

  1. Premièrement, lors des noces du prophète Muhammad avec Zaïnab, les jeunes invités trainant près de la pièce de la nouvelle épouse ayant gêné le prophète a conduit à édicter aux épouses de n'accueillir les visiteurs qu'au chevet de leurs portes derrière le rideau faisant office de porte entre leurs chambres et la mosquée. 
  2. Suite à la recommandation aux épouses de demeurer liées à leurs demeures et de ne plus s'exhiber à la  manière préislamique, les épouses ont pris l'initiative en sortant de se voiler intégralement sans aucune instruction émanant du Prophète.
  3. La sortie dans cet accoutrement de Sawdah et l'interpellation d'Umar disant "je t'ai reconnue" ont été suivis de l'autorisation des épouses à sortir pour leurs nécessités sans exiger de règle vestimentaire particulière. 
  4. Les autres croyantes sortant de leurs demeures nues et étant agressées par des hypocrites cela a été suvi par la recommandation de prendre sur elles de leurs draps en sortant afin de n'être pas confondues avec les esclaves. Et de par la pauvreté de beaucoup d'entre-elles, celles-ci se partagèrent de leurs draps, laissant néanmoins toujours leurs seins découverts. 
  5. Plus tard, comme les femmes sortaient en couvrant le bas du corps mais avec les seins découverts en conformité avec l'usage de l'époque chez-elles, le verset disant "qu'elles n'exposent de leurs charmes que ce qui demeure apparent" fut édicté, pour les inciter à rabattre leurs couvertures sur leurs poitrines.
  6. Comme la partie pouvant rester visible selon ce dernier verset concerné n'était pas codifiée strictement, les femmes de Yathrib prirent l'initiative de se couvrir intégralement en sorte qu'Aicha vantera cette initiative. 
  7. Comme l'usage en dehors de Yathrib était fluctuant en conformité au Coran, après le Prophète, des compagnons tels qu'ibn Mas'ud, ibn Abbas et certains autres ont tenté d'imposer la pratique des femmes de Yathrib comme la règle à suivre. 


Il est acquis que les femmes ne se couvraient pas avant cela d'une façon uniforme dans l'islam prmitif. Les débats à se sujet de compagnons tels qu'ibn Abbas ou ibn Mes'ud prouvent cela. L'application des dames de Yathrib a voulu être instituée comme l'exemple à suivre de par ce qu'il a été reconnu par le Prohète qui ne s'y est pas opposé. De par l'existence de récits évoquant des dames au visage ou aux mains découverts et sur base du hadith faible d'Asma, certains savants ont autorisé de ne pas cacher les mains et les visages. L'Imam Malik autorisant par ailleurs aux femmes de montrer leurs bras étant donné que cela est une nécessité lorsqu'elles sont conduites à laver du linge dehors, et abu Hanifah a atorisé de ne pas couvrir leurs pieds. Sukaïna petite fille du Prophète bouclant par ailleurs ses cheveux et une petite-fille d'abu Bakr du nom d'Aicha refusaient ainsi de cacher leurs cheveux. A l'époque d'Umar ibn al-Khattab, des dames lancèrent de même une mode moulante et une mode mini-jupe avec un habit arrivant à mi cuisse soutenant que le Coran ne l'interdit pas, mais Umar y contrevint et interdit ces modes les qualifiant d'innovations. Le fait qu'il y ait de nombreuses divergences à ce sujet découle bien de ce que le verset ne codifie pas les parties à cacher et que le Prophète n'y a rien ajouté.



Plausiblement, certaines communautés comprenaient parmi les parties des charmes étant permis de laisser apparent en rabattant leur couverture sur la poitrine comme autorisant à laisser apparent un sein, étant donné la nécessité d'allaitement. La nécessité rendant un usage licite.







III. Le Voile en Paleo-islam


A. Introduction :

Souvent le mot خمار ou khimār [xiˈmār] du Coran (Cor. 24:31) est rendu par voile et il est soutenu qu'il s'agirait d'un ustensile vestimentaire utilisé dès la période préislamique en Arabie. Dans cet article, nous allons étudier la question sur le plan sémantico-linguistique en nous fondant sur la poésie dite préislamique et les sources anciennes disponibles, pour décortiquer le sujet.


B. Exemple de poèmes anciens usant du mot khimār (خمار) :

B-1. Awf ibn Atiya :

ولنعم فتيان الصباح لقيتم وإذا النساء حواسر كالعنقر
من كل واضعة الخمار وأختها تسعى ومنطقها مكان المئزر

" Qu'ils sont beaux ces jeunes hommes et ces dames nues comme la fraicheur que vous avez croisés en ce matin.
Nues de tout ce qui est voilé par le khimār et leurs soeurs [non voilées] recherchées, et même du lieu caché par leur izār [leurs sexes]."


Dans ce poème le terme khimār est utilisé comme cachant tout ce qui est recherché chez une femme. Le poète y décrit donc la nudité totale de ces dames, et le khimār est désigné comme cachant tout ce qui est recherché. Il apparait ainsi que le terme khimār de ce poème ne peut pas désigner un ustensile servant spécifiquement à se couvrir la tête.


B-2 . Manzur Marsad ibn el-Asadi :

جارية بسفوان دارها
تمشي الهوينا مائلا خمارها

Elle court vers sa demeure avec Safwan...
Inclinant son khimār sensuellement...



Inclinant son khimār sensuellement ", le khimār ne peut pas selon ce poème se réduire à un couvre chef dans l'Arabie préislamique où la nudité de la femme n'avait rien de tabou.


Sur base de ce poème, il n'est pas soutenable que le khimār voilait les cheveux, et il s'entend plutôt que le corps se dévoile graduellement et entièrement. La femme qui y est décrite laisse descendre son khimār lentement et se déshabille pour son amant chez elle. Comprendre que celle-ci retire son voile lentement est non pertinent concernant une société où le fait de se promener les seins découverts était usuel. Se cacher dans sa demeure pour exhiber seulement ses cheveux n'est pas plausible suivant ce poème érotique dans l'Arabie préislamique où la nudité féminine était chose banale : une telle interprétation serait anachronique. 


B-3 . Sahr écrit à propos de sa soeur :

والله لا أمنحها شرارها *** وهي حصان قد كفتني عارها
ولو هلكت مزقت خمارها *** واتخذت من شعر صدارها

Dieu m'est témoin que je ne tente pas à réfuter ses erreurs *** Or c'est là la meilleur preuve de sa pudeur...

Même lorsqu'elle périt et que son khimār se déchire *** Elle prend de ses cheveux sur sa poitrine.



Même quand .. son khimar se déchire, elle prend de ses cheveux sur la poitrine " ; ici il ressort que le khimār couvrait la poitrine de la soeur du poète. Elle ne se soucie nullement de ses cheveux lorsque son khimār se déchire..


Ici, le poète vante la pudeur de sa soeur qui est décrite comme ayant pris de ses cheveux sur la poitrine même sur le chevet de la mort lorsque son khimār s'est déchiré. Si le khimār était un ustensile devant cacher les cheveux -comme soutenu par les traditionalistes-, la poitrine ne serait pas dénudée quand celui-ci se déchire, et utiliser ses cheveux pour dissimuler ses seins perdrait son sens si les seins étaient déjà apparents avant le déchirement du khimār. Si le khimār devait cacher les cheveux, il serait incohérent pour sa soeur de prendre ses cheveux qui se découvrent sur la poitrine déjà nue. Il ressort donc de ce poème que lorsque le khimār se déchire, ce ne sont pas les cheveux qui se dénudent mais les seins, et celle-ci prend de ses cheveux sur ses seins pour des dissimuler par pudeur. Que le khimār cachait les seins de sa soeur est selon ce poème très explicite. Cela va à contresens de la thèse traditionnelle soutenant que le khimār servait initialement à couvrir les cheveux, sans couvrir la poitrine.


C. Exemple d'usage dans l'époque préislamique :

De même que ces poèmes le montrent clairement, le terme khimār semble avoir été usité chez les Arabes avant la période islamique.

L'expression ancienne arabe "almar'ah taxxammārāt b'il xiˈmār waxtamarat" signifie "la femme se couvre de sa couverture et reste couverte". Cette expression demeure obscure et ne délimite pas l'idée de se couvrir spécialement à une partie particulière de son corps. L'invocation de cette expression pour soutenir que le voile dissimulait les cheveux serait une approche tautologique sans fondement réfutable.

Juburi soutient que le terme khimār signifierait la couverture des cheveux en invoquant l'expression "taxammur bil-imāmāh" et remarque que cela signifie "couvert d'un turban", or si le mot khimār se limitait à un couvre-chef, cet usage serait une faute de langue et un pléonasme inutile. La combinaison de ces deux termes prouve au contraire que le terme khimār ne désignait précisément pas un couvre-chef.

De même, il est souvent invoqué pour soutenir cette thèse, l'expession ancienne bien connue touchant certains personnages masculins préislamiques désignés comme "ذال خمار " [ð'ul xiˈmār] soit "celui qui est couvert" (sans doute d'une cape). Tout particulièrement pour al-Aswad al-Ansi (ibn Ka'b Ablahah) et Awf ibn al-Rabi ibn el-zhi Ramahayn désignés respectivement comme "ð'ul xiˈmār" le dernier étant mentionné comme ayant pris le khimār de son épouse et vaincu un adversaire, en sorte que lorsqu'on demanda à son adversaire en agonie qui l'a blessé celui-ci aurait dit "ð'ul xiˈmār". Pour l'historien et le linguiste, cet incident ne dit rien sur ce que signifiait ici le terme khimār qui demeure donc obscur et indéterminé, par conséquent en se fondant sur ce qui est apparent, il est impossible de soutenir sur base de ce récit que le terme khimār désignerait le voile. Il est par ailleurs impossible pour un Arabe de se promener dans le desert et qui plus est en pleine bataille la tête découverte. Cette description ne peut pas lui être propre si nous soutenons que cela traiterait d'un couvre-chef. Il s'agissait probablement d'une cape ou d'une couverture intégrale. L'expression "ð'ul xiˈmār" désignant ce caractère ne peut donc pas être utilisé pour soutenir que le khimār cachait les cheveux. Notre avis critique est que ce qui est visé ici devait être un genre de cape, car l'abondance des textiles et les longues traines étaient à l'époque un signe de noblesse et de richesse. Les plus pauvres ne possédant aucun habit. Mais il est également permis de penser qu'il pourrait s'agir d'un drap couvrant le corps intégralement, il semble peu plausible que la personne tuée connaissait l'identité de son adversaire.

La plupart des dictionnaires décrivent le terme khimār comme un voile, or, tous soutiennent de même que le sens primitif du terme signale tout ustensile servant à couvrir une chose. Par conséquent, même si nous admettons que le terme khimār a pu être utilisé dans la période préislamique pour désigner la couverture des cheveux, il ne ressortira pas de là que le Coran visait cela au verset : (Cor. 24:31).


والخِمارُ، بالكسر: النَّصِيفُ، كالخِمِرِّ، كطِمِرٍّ، وكلُّ ما سَتَرَ شَيئاً فهو خِمارُهُ ج: أخْمِرَةٌ وخُمْرٌ وخُمُرٌ.

لقاموس المحيط : الخِمَارُ)


D. Le mouton couvert :

Une autre expression arabe bien ancrée fondée sur cette racine est l'expression (مخمرة من الابيض) "muxammerah min'al abyadˁ" désignant le "mouton couvert de blanc à tête noire", tandis que les termes (محمرة من الاسود) "le mouton couvert de poils noirs à tête blanche" se disait au contraire "muxammerah min'al aswad". Autrement dit, ce qui est couvert d'un khimār n'est pas la tête mais tout le restant du corps. Ce qui rejoint le verset (Cor. 24:31) commandant de rabattre une couverture sur la poitrine.

Selon les ouvrages d'exégèse anciens, à l'instar de celui d'ibn Kathir, les femmes arabes demeuraient les seins découverts avant le verset du khimār, et al-Bukhari et d'autres historiens rapportent selon Aïcha que lorsque le verset du khimār a été transmis, ces dames aux seins nus ont découpé leurs izār (drap couvrant exclusivement le bas du corps) pour voiler leurs parties supérieures.



"Muxammerah min'al abya" désignait : "couvert de poils blancs". Expression qui renforce la thèse que le khimār devait cacher la poitrine demeurant découverte.



E. L'obligation de prier avec un khimār, et l'approche des gens de Médine selon Malik ibn Anas :

حَدَّثَنَا هَنَّادٌ، حَدَّثَنَا قَبِيصَةُ، عَنْ حَمَّادِ بْنِ سَلَمَةَ، عَنْ قَتَادَةَ، عَنِ ابْنِ سِيرِينَ، عَنْ صَفِيَّةَ ابْنَةِ الْحَارِثِ، عَنْ عَائِشَةَ، قَالَتْ قَالَ رَسُولُ اللَّهِ صلى الله عليه وسلم  ‏"لاَ تُقْبَلُ صَلاَةُ الْحَائِضِ إِلاَّ بِخِمَارٍ".‏

Il est bien connu que l'Imam Malik se fondait sur la pratique des gens de Médine pour sa jurisprudence, or le hadith Sahih mentionné ci-dessus exige à la femme de se munir de son khimār pendant la Salat. Or, l'Imam Malik ne considère pas que la femme doive couvrir tout son corps lors de la prière, ce qui semble montrer que le sens du mot khimār a bien subi une dérive sémantique depuis son époque. Voici une synthèse de la notion de awra que le khimār doit cacher lors de la prière selon l'Imam Malik :

"Pour la femme libre : La nudité essentielle (ʔAwrah Muɣallaza) à couvrir : c'est tout son corps sauf ses membres, sa poitrine, le haut du dos et ce qui au dessus. 

La nudité légère ('ʔAwrah Muxaffafa) pour elles est constituée de la tête, le cou, la poitrine, le haut du dos, les bras et avants bras,  du genoux jusqu'aux pieds. Le visage et les mains ne sont nullement une nudité pour la femme. 

Celle qui prie (sans l'oubli ou l'impossibilité) sans couvrir une partie ou la totalité de sa nudité essentielle (Muɣallaza) : sa prière est invalide et il faut qu'il la refasse (rattrape) obligatoirement même si son temps est fini.  

 

Khimār non accepté pour la prière.


Pour celui ou celle qui prie sans couvrir sa nudité légère (Muxaffafa) sa prière reste valide mais il lui est préférable de refaire sa prière dans le temps de celle-ci (en se couvrant davatage). 


Khimār acceptable pour la prière. correspondant à la partie couverte par un izār.


Exception :  

Pour la femme si elle découvre le dessous des pieds (la plante des pieds) elle ne refait pas sa prière même dans le temps." (Fin de citation, voir Kitāb al-Fiqh ʔalā al-maðāhib al-ʔˤrbaa tome I page : 172 et voir les vers d'ibn 'Âshir à ce sujet.) 

Khimār accepté certainement pour la prière.


Cette approche est notable, car il s'agit d'une démonstration indirecte du sens primitif du terme khimār. La pratique du temps du Messager sur base du verset du khimār justifiait de se couvrir complètement, tandis que le sens primitif original du terme khimār continuait à justifier cette lattitude en privé pendant la prière. 

La description de la nudité légère chez les dames croyantes, suivant le rite malékite correspond à l'izār, une pagne recouvrant la partie du corps de l'abdomen aux genoux. Cela rejoint les propos de Aïcha d'après al-Bukhāri [2], disant que lorsque le verset commandant aux dames de couvrir leurs seins de leur Khimār à été révélé, elles ont coupé des morceaux de leurs pagnes pour se couvrir d'avantage. 


F. La Lexicologie et les Dictionnaires, Chronologie :

Le premier dictionnaire en langue arabe connu est le Kitab el ʔayn remontant à deux siècles après le Prophète qui n'est pas exhaustif et ne mentionne pas ce mot. Raghip al-Ispahani explique le terme khimār d'une façon neutre. Cet ouvrage étant antérieur au  Lisan'al ʔArab d'ibn Manzur (1233-1312) de 300 ans, le mot n'y a pas encore atteint son sens terminologique. Raghib, comme dans tous les premiers dictionnaires explique que le terme khimār signifie initialement l'idée de couvrir une chose, et rajoute ensuite le mot khimār a pris dans la jurisprudence islamique le sens du voile couvrant les cheveux des dames.

Raghip al Ispahani (m.1018) décrit donc le Khimār dans son Mufradat,  en ces termes, 

 أصل الخمر: ستر الشيء، ويقال لما يستر به: خِمَار،  لكن الخمار صار في التعارف اسما لما تغطّي به   المرأة  رأسها، وجمعه خُمُر:


Le terme est effectivement décrit avant son époque, comme dans le al Muhīt fī'l lughah (996) d'après al Sāhib ibn Abbād sans autre précision : "La femme se couvre d'une couverture la couvrant". 

.واخْتَمَرَتِ المَرْأة بالخِمَار خِمْرَةً


Dans Maqāyis al Lughah (1004), ibn Fāris écrit : "Se dérober,  cacher. Le Khimār est aussi la couverture de la femme qui a été commandée de bien se couvrir."

أَيْ يُخْتَلُونَ وَيُسْتَتَرُ لَهُمْ. وَالْخِمَارُ : خِمَارُ الْمَرْأَةِ. وَامْرَأَةٌ حَسَنَةُ الْخِمْرَةِ، أَيْ لُبْسُ الْخِمَار 


Or, Fayyūmī (1368) écrira cependant quelques siècles plus tard, dans Al Misbāh al Munīr, fī Gharīb al Sharh-il Kabīr : "Khimār : le Khimār est un habit que les femmes mettent sur la tête, le pluriel est khumūr. Il a ainsi été écrit et réécrit, la Femme s'est couverte, elle porte une couverture."

خ م ر : الْخِمَارُ ثَوْبٌ تُغَطِّي بِهِ الْمَرْأَةُ رَأْسَهَا وَالْجَمْعُ خُمُرٌ مِثْلُ: كِتَابٍ وَكُتُبٍ وَاخْتَمَرَتْ الْمَرْأَةُ وَتَخَمَّرَتْ لَبِسَتْ الْخِمَارَ 


Ce sont là des exemples parmi les plus anciennes définitions de ce mot connues et encore disponibles, confirmant un changement sémantique et terminologique chez les fidèles dans le temps du terme, comme explicité dans le Mufradāt d'al Ispahānī. En réalité, l'étymologie de la racine signale l'idée de couvrir quelque chose, or le mot khimār a acquis une acception spécifique avec la pratique et suivant l'usage des femmes de Yathrib après le verset du khimār. En effet, ne sachant pas les parties de leurs charmes pouvant demeurer apparentes selon le verset, celles-ce s'étaient couvertes intégralement à la suite de ce verset. 

Originellement le khimār désigne un ustensile servant à couvrir quoi que ce soit, et a acquis au fil du temps l'idée de rideau, voile, châle, burqa, ou de voile masquant le visage. Les divergences profondes sur l'usage exact du khimār chez les fidèles est une preuve indirecte de ce processus de dérive sémantique. Les femmes de Yathrib qui s'étaient intégralement couvertes par esprit de piété à la suite du verset du khimār ont ainsi institué un usage qui deviendra une référence après le décès du Prophète comme usage avalisé par celui-ci. Or, initialement, la partie à couvrir visée par le dit verset était plus spécifiquement la poitrine et aucun hadith sain n'institue une règle particulère ou unique.

Avant le verset du khimār certaines femmes arabes islamisées continuaient à sortir les seins découverts, se contentant de cacher le bas de leurs corps. La partie que le verset du khimār permettait de laisser apparent a été interprétée tantôt comme les bras, tantôt comme les cheveux, le visage et les mains, or l'idée littérale visait de couvrir l'espace séparant les deux seins, les cacher du regard, même si leur forme demeurera apparent.


Pour des raisons invoquées dans le rite hanafite ou malékite, ces deux écoles permettent de découvrir, une partie des cheveux, des pieds, ..., les bras du fait que la femme est parfois amenée à laver le linge à une rivière ou à un lac (par nécessité, dˁarûrah).

Quant aux esclaves, n'ayant pas le statut d'une personne responsable, elles pouvaient rester entièrement nues, et mangeaient des restes de leurs maitres.

Quoi que dans les grandes villes l'usage des femmes de Yathrib se soit imposé par certains compagnons comme la règle, dans les recoins du monde musulman et en campagne, la vestimentation féminine des musulmanes était demeurée hétéroclite, néanmoins conforme aux prescription textuelles du Coran, mais différement des femmes de Yathrib. Elles ne faisaient pas commes les dames de Yathrib, mais pouvaient laisser apparent certaines parties de leurs corps, en conformité avec le sens textuel du verset permettant vaguement de laisser une partie de leurs charme apparent. Le voile inégral ne s'imposera en réalité pas à l'ensemble du monde musulman avant le XIXeS, la majeure partie du monde musulman n'ayant que des notions basiques de la jurisprudence islamique conventionelle, mais disposant néanmoins toujours du Coran jusqu'au moindre petit village. 

Le verset du ʤilbāb instituait, lui, chronologiquement la prise d'un drap par les musulmanes sortant de nuit pour faire leurs besoins étant d'usage de dormir entièrement nus à l'époque en Arabie (Cor. 33:58), en sorte de se différencier des femmes esclaves et éviter de se faire aborder par des personnes mal intentionnées. Or, beaucoup de musulmanes ne disposaient pas d'assez de draps pour se couvrir et la tradition rapporte qu'elles se partageaient leurs couvertures. Le verset du ʤilbāb n'instituant pas la façon de se couvrir, les musulmanes continueaient à sortir les seins nus. Cela est rapporté par les exégètes dont Tabari et ibn Kathir [1]. La croyance que le ʤilbāb devait couvrir le corps intégralement vient des recommandations dans les ouvrages de jurisprudence postérieures au Prophète et se fonde sur la standardisation de l'usage des femmes de Yathrib par certains disciples du Prophète. Autrement, après le verset du ʤilbāb il aurait été inutile de rapporter un verset recommandant de rabattre la couverture sur la poitrine. L'histoire infirme cette interprétation. Quant au verset du ħiˈdʒæːb, il concernait spécifiquement les épouses du Prophète et désignait originellement les rideaux de leurs chambres flanquées à la Mosquée du Prophète de Yathrib séparant leurs chambres de l'enceinte de la mosquée du Prophète à Médine. Terme qui, tout comme pour le xiˈmār et le ʤilbāb a acquis le sens de voile fluctuant d'un voile couvrant les cheveux à un voile intégral selon les écoles de jurisprudence.











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[1] « Qu'elles rabattent leurs couvertures sur leurs poitrines » (...) La couverture devait être désormais rabattue sur la poitrine à contrario de l'usage des femmes du temps de l'ignorance. Les femmes du temps de l'ignorance ne faisaient pas ainsi. Au contraire, la femme sortait au milieu des mâles les seins nus sans les couvrir de quoi que ce soit. Parfois elles exhibaient leurs cous, leurs tresses et leurs boucles d'oreilles. Allah a recommandé aux croyantes de se dissimuler tant par leur vestimentation que par leurs activités. (...) ibn abu Khatim a dit : Mon père m'a rappoté... Safiyyah bint Chaïba a raconté ceci : Nous étions en présence d'Aïcha, et discutions au sujet de la supériorité des femmes de Qoraïche. Aïcha a dit : Certes les femmes de Qoraïche ont leurs supériorités, or Dieu m'est témoin que dans la révérence du Livre de Dieu je n'ai pas trouvé de femme supérieure aux femmes des AnsarLorsque le verset de la sourate Nur disant « Qu'elles rabattent leurs couvertures sur leurs poitrines » a été révélé, les mâles sont rentrés chez eux leur transmettre ce qui a été révélé par Dieu.. Chacun a récité ce verset à son épouse, à sa fille et ses cousines. Toutes sans exception se sont mises à prendre leurs habits avec des motifs et des dessins pour s'en couvrir intégralement en signe de soumission au verset de Dieu et pour s'y appliquer. Le lendemain matin, elles se sont présentées derrière le Prophète étant complètement voilées. Au point qu'on aurait dit que des corbeaux s'étaient posés sur elles. Ce hadith est également transmis par une autre voire par abu Dawud, par la voie de Safiyyah bint Chaïbah... [ibn Kathir, (تفسير ابن كثير ; (24,31 .

[2] Said ibn Jubayr, explique cette partie du verset ainsi : Qu'elles rabattent leurs couvertures sur leurs poitrines en sorte que rien n'en reste visible. al-Bukhari rapporte : Ahmad ibn Chabib rapporte.. Aïcha a dit : Lorsque le verset « Qu'elles rabattent leurs couvertures sur leurs poitrines » a été révélé, les femmes de Yathrib ont découpé leurs izār pour s'en couvrir. À souligner que l'izār est assez long pour réaliser plusieurs tours de la taille avant d'être noué.

jeudi 26 septembre 2013

IV. Le Coran Autorise-t-il de Frapper Les Femmes ?




A. Rapide synthèse de l'histoire de la compilation du Coran :

Le Coran ne consistait pas en une compilation officielle du vivant de Muhammad. Les quelques 35.000 fragments de Coran découverts à Sana'a après l'effondrement d'un toit d'une vieille mosquée dont 56 Corans remontent à la première moitié du premier siècle hégirien, a démontré que le Coran dont nous disposons est conforme au Codex d'Uthman ibn Affan sous sa forme consonantique. Tandis que la version vocalisée a été consolidée, par l'approche selon la rhétorique sémitique de Michel Cuypers, comme organisé rigoureusement suivant des symétries logiques internes aux sourates et dans l'ordre des sourates. Or l'ouvrage d'exégèse le plus ancien dont nous disposons toujours d'une version est celui de Tabari (838-923) postérieur au Prophète de deux siècles. Pour cette raison, la langue et les interprétations de cet ouvrage ancien sont tout de même éloignées de l'idiome originel du vivant du Prophète laissant certains passages du Coran obscurs.

Pour cette raison, un effet de jeux de miroirs entre les usages, traditions, hadiths sains ou faibles et les versets s'est opéré naturellement comme cela est connu au fil de l'histoire, telle une règle inaliénable, en sorte que l'approche jurisprudencielle en soit arrivé au fil du temps à une interprétation presque unanime du verset (Cor. 4:34) : comme autorisant les mâles à frapper leurs épouses. Or, la présentation de cette lecture comme un fait acquis a pris cette forme par un effet de goulot d'étranglement au fil de la dispatition d'ouvrages religieux contenant des avis hétéroclites. Ainsi, les quatre écoles de jurisprudence canoniques ne constituaient qu'une partie des écoles avant Harun al-Rachid. Certains hadiths faibles se sont imposés et ont été mis en avant à cette fin. Cependant, ni ce verset ni un seul hadith considéré sain ne soutiennent l'idée de frapper la femme inobéissante, et le verset ne concerne pas les femmes désobéissantes mais leur refus charnel à l'égard de leur époux. Il n'existe pas d'élément de preuve tangible solide ou vérifiable dans le Coran ou parmi les hadiths sains à ce sujet. La diversité des approches à ce sujet chez les premiers croyants dans l'islam primitif demeure néanmoins sous forme de trace à travers certaines variantes de hadiths, malgré les multiples tentatives d'uniformisation sur ce sujet. Même si ceux-ci sont systématiquement réinteprétés par esprit de tautologie.


B) Coran :

B-1. Le verset censé permettre de frapper son épouse :

ٱلرجال قومون على ٱلنساء بما فضل ٱلله بعضهم على بعض وبما أنفقوا من أمولهم فٱلصلحت قنتت حفظت للغيب بما حفظ ٱلله وٱلتى تخافون نشوزهن فعظوهن وٱهجروهن فى ٱلمضاجع وٱضربوهن فإن أطعنكم فلا تبغوا عليهن سبيلا إن ٱلله كان عليا كبيرا

Le terme "daraba" (" وٱضربوهن ") de ce verset généralement interprété comme l'idée de frapper, est de l'avis unanime des linguistes un mot polysémique. Et en effet, le terme est usité dans le Coran suivant plusieurs sens assez divers.


B-2. Le  sens du mot "ضرب" :

Selon le hadith du sermon d'adieu transmis dans le Jami'ul Sahih de Muslim le verset en question est commenté comme suit "وتضربوهن ضربا غير مبرح" . La racine "ضرب" est polysémique et le Coran en use dans divers sens : "rabattre sa couverture sur la poitrine", "exhiber le braclet de cheville en trottant", "donner des exemples évidents"... La parole "وتضربوهن ضربا غير مبرح" du sermon d'adieu peut ainsi être comrpis de diverses manières. Ainsi, selon al-Ispahani (dans son Mufradat) le mot "daraba" signifie parfois la copulation, et le verset en question peut être interpété comme signifiant par analogie "la copulation avec les épouses". Les Arabes disaient ainsi : " ضرب الفحل النّاقة ", c'est-à-dire "le chameau roux a copulé avec la chamelle" : tandis que le passage d'un côté à l'autre de la femelle pour la mettre au sol pour la rendre docile se dit en arabe " مبرح " (le terme " نشوز " signifiant étymologiquement l'indocilité ou l'idée de ne pas plier).

Le mot "ضرب" rejoint le terme en syriaque "trapa" et signifie l'idée de "se serrer contre quelque chose", ou "s'enlasser" rejoignant le sens de la copulation en langue arabe, et en montre le fondement philologique : nous comprenons pas là que le sens de ce hadith devait être originellement : "Le passage d'un flanc à l'autre, se serrant contre la femme sans la forcer pour la rendre plus docile ".

Il y a donc dichotomisation entre les termes "نشوز" et "ضرب" dans la structure sémantique du passage en question. La partenaire refuse son époux, celui-ci sépare sa couche et la laisse seule avant de revenir à elle.



Le Coran ne fait que des allusions suggérant la copulation, étant récité lors des prières collectives en présence d'enfants. "Si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouviez pas d’eau, alors recourez à la terre pure, passez-en sur vos visages et vos mains." (Cor. 86, 5-7)


La rubrique "ضرب" dans le Lisan al 'arab :

وضَرَبَ الفحلُ الناقةَ يضْرِبُها ضِراباً: نكحها؛ قال سيبويه: ضَرَبها الفحْلُ ضِراباً كالنكاح، قال: والقياس ضَرْباً، ولا يقولونه كما لا يقولون: نَكْحاً، وهو القياس.
وناقةٌ ضارِبٌ: ضَرَبها الفحلُ، على النَّسب.
وناقةٌ تَضْرابٌ: كضارِبٍ؛ وقال اللحياني: هي التي ضُرِبَتْ، فلم يُدْرَ أَلاقِـحٌ هي أَم غير لاقح.وفي الحديث: أَنه نَهى عن ضِرابِ الجَمَل، هو نَزْوُه على الأُنثى، والمراد بالنهي: ما يؤْخذ عليه من الأُجرة، لا عن نفس الضِّرابِ، وتقديرُه: نَهى عن ثمن ضِرابِ الجمَل، كنهيه عن عَسِـيبِ الفَحْل أَي عن ثمنه. يقال: ضَرَبَ الجَمَلُ الناقة يَضْرِبُها إِذا نَزا عليها؛ وأَضْرَبَ فلانٌ ناقتَه أَي أَنْزَى الفَحْلَ عليها.
ومنه الحديثُ الآخَر: ضِرابُ الفَحْلِ من السُّحْتِ أَي إِنه حرام، وهذا عامٌّ في كل فحل.
والضَّارِبُ: الناقة التي تَضْرِبُ حالبَها.
وأَتَتِ الناقةُ على مَضْرِبها، بالكسر، أَي على زَمَنِ ضِرابها، والوقت الذي ضَرَبَها الفحلُ فيه. جعلوا الزمان كالمكان.
وقد أَضْرَبْتُ الفَحْلَ الناقةَ فضَرَبها، وأَضْرَبْتُها إِياه؛ الأَخيرةُ على السَّعة.
وقد أَضْرَبَ. الرجلُ الفحلَ الناقةَ، فضَرَبها ضِراباً

B-3. Traditionellement le terme "نشوز" signale ici l'idée de délaisser ou de tromper :

B-3.1. al-Bukhari rapporte dans son Jāmi ul-Sahīh selon Aïcha au sujet du verset (4:128) que ce terme rendu par "désobéissance" [revenant par ailleurs au verset (34:4) concernant cette fois le comportement des mâles à l'égard de leurs épouses] que le terme "نشوز" signifiait dans ce verset selon Aïcha le souhait d'abandonner son conjoint, ou d'en désirer un autre. (Jāmi'ul Sahīh, al-Bukhari, 62:134)

B-3.2. Ata, Mujahid, Cha'bi, selon ibn el-Arabi soutiennent cette définition d'Aïcha suivant l'ouvrage "Ahkām ul-Qur'ān". Ce verset du Coran et les instructions du Prophète lors du sermon d'adieu commandant aux dames de ne pas faire piétiner leurs couches par des étrangers rejoint en effet nettement cette lecture. Tandis que l'usage par le Prophète lors du sermon d'adieu en lieu et place du terme coranique "نشوز" du terme "فاحشة" signifiant l'idée de tromperie prouve de façon tangible que cela visait uniquement la non obéissance exclusive "sur le plan sexuel". Le commandement de ne pas faire piétiner la couche renforce encore cela nettement. 

B-3.3. En effet l'idée de, "crainte de leur nuchuz", ne pouvant point signifier une crainte "d'être désobéi", cela devient clairement plus cohérent et pertinent. Peut-on "craindre la désobéissance" de son épouse ? Ou bien elle sera conciliante ou bien non. Or, lors du sermon d'adieu le Prophète spécifie qu'il s'agit de l'idée de crainte d'être abandoné ou trompé, si la femme se refuse sexuellement ou ramène des étrangers chez elle en l'absence de l'époux. Le choix du terme "فاحشة" dans le sermon d'adieu est ici concluant à ce sujet.

B-3.4. Dans ce cadre de relations charnelles au sein conjugal, le sens du terme "ضرب" devient plus pertinent quand on le comprend dans le sens de la copulation. Le mot ayant donc ici le sens de "copulation", "s'enlasser" ou "se serrer contre quelque chose"... En langue arabe de nombreux termes sont polysémiques et ceux-ci prennent un sens spécifique selon la phrase où ils sont usités. Si donc le verset a été édicté dans le contexte des relations conjugales charnelles (isotopie), l'idée de délaissement sexuel et de tromperie deviendra prioritaire et le terme "ضرب" sera compris comme l'idée de les aborder "sans passer d'un côté à l'autre en les forçant à plier". L'expression du Prophète achevant cette lecture et n'ayant jamais frappé ses épouses. L'aliénation de ce sens au fil du temps par une culture partiarcale voyant la question de façon unilatérale a entériné une interprétation particulière postérieure au Prophète. Cependant cette lecture est erronée.

Quoi que dans la langue arabe apauvie le terme "ضرب" ait été progressivement réduit à la notion de "frapper", sa racine et son usage multiple dans divers sens dans le Coran témoigne de la richesse sémantique du mot originellement. En effet, la racine du terme "daraba" a généré de nombeux termes parallèles. Sur base d'anciens écrits en syriaque, les linguistes soutiennent que le mot "trapa" signifiant l'idée de "serrer l'un sur l'autre" rejoint le terme "daraba". Le terme "ضرب" rejoint de par sa racine les termes : "شراب " (le vin est obtenu en pressant les raisins), "صراف" (la monnaie est imprimée), "تراب " (la terre est piétinée), de même certains termes coraniques obscurs acquièrent un sens nouveau comme les mots : " تراب" ou "ترا ءب". Kawaibe atraba (78/33) signifiant ainsi "deux seins tel deux gros vases serrés l'un contre l'autre", uruban atraba (36/37) signifiant quant à lui "deux seins découverts et bien dressés serrés l'un contre l'autre" et min bayni as-sulbu wa't tarâib (86/6-7) signifiant quant à lui "entre les reins et l'entre jambes (ou les côtes) de la femme". La traduction forcée de ces passages redevient ainsi intelligible lorsque la racine du mot est maîtrisée. Le thème central étant l'idée de "serrer l'un contre l'autre". L'usage symbolique de ce terme pour la copulation en devient ainsi intelligible.


B-4. La lecture du verset (4:34) à la lumière du sermon d'adieu :

Un sens plus explicite est acquis (voir infra) à la lumière du sermon d'adieu, il faut en outre souligner que le but du mariage à l'époque est la sexualité et la reproduction. La dot rendant licite le sexe de l'épouse à son conjoint. Ce point qui peut choquer les gens à notre époque est néanmoins un fait acquis. Les mâles sont chargés de veiller et de pourvoir aux besoins des épouses, tandis que les épouses sont tenues de protéger leur sexe en leur absence. Si donc un époux craint que son épouse le délaisse ou cherche un autre partenaire (نشوز) il est recommandé de l'exhorter. De séparer leurs couches jusqu'à quatre mois (voir la mise en pratique du Prophète selon al-Bukhari par exemple). C'est juste à ce niveau qu'apparait l'idée de "frapper" l'épouse. Muhammad n'a jamais perçu le terme "ضرب" originel comme l'idée de frapper les épouses. Il a ainsi séparé Fatimah que son époux avait frappé immédiatement, et a même fait affranchir une femme esclave à la suite d'une gifle et tout cela est totalement incompatible avec cette interprétation d'une autorisation à les frapper. Or, le verset qui légifère ce code de divorce unilatéral féminin se situe justement plus loin, dans la même sourate, 94 versets plus loin : (4:128). Le Prophète a donc séparé Fatimah de Thabit ibn Qays qui l'a frappée après le versets avancé pour défendre qu'il est permis de frapper la femme désobéissante (al-Bukhari, Sahīh'ul Jāmi ; 19:11-112).

Pour cette raison, il ressort nettement que ce qui est traité dans ce passage coranique concernait très spécifiquement la sexualité au sein conjugal, le mariage ayant rendu licite le sexe de l'épouse au mari, en sorte qu'introduire un étranger à leur domicile était interdit, de façon que si l'épouse insiste en cela, et introduit chez elles des hommes en l'absence de son époux, et que son époux craigne qu'elle cherche à le quitter, il doive l'exhorter, séparer leurs couches un certain laps de temps et revenir vers elle sans insister. Si donc après toutes ces tentatives celle-ci ne devient pas conciliante, il poura la répudier en toute conscience et justice. " ضربا غير مبرح ", dans le sermon d'adieu signifiant donc l'idée de les aborder sans insister et passer d'un côté à l'autre.


B-5. Le sens des termes ضربا غير مبرح  et mention de la sexualité dans le Coran :

Dans son Mufradat Raghib al-Ipahani mentionne cet usage particulier du terme ضرب qui donne une idée sémiologique plus précise de son sens  : إلتحفتهم الذلة التحاف الخيمة بمن ضربت عليه, ce qui signifie l'humiliation les a couverts comme la tente couvre la personne. Qui rejoint le sens primitif de se superposer, en effet le sens primitif du terme ضرب signifie إيقاع شيء على شيء c'est-à-dire : la superposition d'une chose sur une autre, en dehors de l'usage sous la forme "ضرب على " mentionné par al-Ispahani. Ce qui montre que le sens primitif du verset étudié vise bien l'idée de coucher avec son épouse en s'allongeant sur elle dans sa couche qui a été séparée.


Du fait que les termes غير مبرح constituaient une formule originale, il y a eu des divergences à ce sujet. En langue arabe, le terme مبرح  signifie l'idée de passer d'un flanc à l'autre. Le terme a donc été interprété comme l'idée de ne pas insister. Cependant, tout comme pour le terme ضرب  il est fait ici une analogie avec la copulation chez les chameaux. Le Coran  présente les Bédouins comme les premiers interlocuteurs de Muhammad dans la langue desquels il édicte le Coran, et il existe une série de hadiths rejoignant cette analogie des Bédouins avec les chameaux en vue d'exemplification analogique. Les Bédouins et leurs épouses étant donc le sujet de ce passage, il ressort qu'il y avait là une analogie avec la sexualité chez les chameaux. 

Il est à souligner que cet usage du terme ضرب dans ce passage du Coran est à considérer dans le cadre de la pédagogie sexuelle du Coran. En effet, le Coran mentionne à plusieurs reprises la sexualité, or, la récitation rituelle des versets lors des prières collectives en présence d'enfants rendant la mention de la copulation délicate, celle-ci est mentionnée de façon imagée et suggestive. 


« Vos épouses sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles. » (Cor.2,187)

« Et parmi Ses Signes (il en est aussi un), Il a créé de vous, pour vous, des épouses, afin que vous trouviez tranquillité auprès d’elles et Il a assigné entre vous amour et miséricorde. » (Cor. 30,21)

« Vos femmes sont pour vous comme un champ de culture ; approchez donc à vos champs par où et comme vous l’entendez. » (Cor. 2,223).

« Que l'homme regarde donc de quoi il a été créé. Il a été créé d'une eau jaillissante. Elle sort d'entre les lombes et les côtes. » (Cor. 86,5 -7).

« Ô les croyants ! Lorsque vous vous levez pour la Salât, lavez vos visages et vos mains jusqu’aux coudes; passez les mains mouillées sur vos têtes; et lavez-vous les pieds jusqu’aux chevilles. Et si vous êtes pollués «junub»,  alors purifiez-vous (par un bain); mais si vous êtes malades, ou en voyage, ou si l’un de vous revient du lieu où il a fait ses besoins ou si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouviez pas d’eau, alors recourez à la terre pure, passez-en sur vos visages et vos mains. Allah ne veut pas vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire sur vous Son bienfait. Peut-être serez-vous reconnaissants. » (Cor. 5,6)


B-6. La traduction de ce passage à la lumière de ces acquis linguistiques et philologiques :


ٱلرِّجَالُ قَوَّٰمُونَ عَلَى ٱلنِّسَآءِ بِمَا فَضَّلَ ٱللَّهُ بَعْضَهُمْ عَلَىٰ بَعْضٍۢ وَبِمَآ أَنفَقُوا۟ مِنْ أَمْوَٰلِهِمْ ۚ فَٱلصَّٰلِحَٰتُ قَٰنِتَٰتٌ حَٰفِظَٰتٌۭ لِّلْغَيْبِ بِمَا حَفِظَ ٱللَّهُ ۚ وَٱلَّٰتِى تَخَافُونَ نُشُوزَهُنَّ فَعِظُوهُنَّ وَٱهْجُرُوهُنَّ فِى ٱلْمَضَاجِعِ وَٱضْرِبُوهُنَّ ۖ فَإِنْ أَطَعْنَكُمْ فَلَا تَبْغُوا۟ عَلَيْهِنَّ سَبِيلًا ۗ إِنَّ ٱللَّهَ كَانَ عَلِيًّۭا كَبِيرًۭا

"Les hommes veillent sur les femmes de par leur faveur physique sur celles-ci, et en pourvoyant matériellement à leurs besoins. Les femmes droites, respectables veillent avec le soutien de Dieu sur leur sexe en l'absence de leurs époux. S'ils craignent que leurs épouses cherchent à les délaisser (pour d'autres) [les délaissant charnellement ou en introduisant des étrangers en leur absence], qu'ils les exhortent, séparent leurs couches (jusqu'à 4 mois au maximum) et les enlassent (dans le but de la copulation, sans insister en passant d'un côté à l'autre). Si elles deviennent conciliantes, qu'ils ne cherchent plus contre elles de voie [pour la répudiation]."
(Cor. 4:34)


C) Les hadiths :

C-1. Le sermon d'adieu, exégèse prophétique du verset (4:34) :

Ce passage du sermon d'adieu est l'explication de ce verset.

ب<يوتكم إلا بإذنكم ولا يأتين بفاحشة , فإن فعلن فإن الله قد أذن لكم أن تعضلوهن وتهجروهن في المضاجع وتضربوهن ضربا غير مبرح , فإن انتهين وأطعنكم فعليكم رزقهن وكسوتهن بالمعروف , واستوصوا بالنساء خيرا , فإنهن عندكم عوان لا يملكن لأنفسهن شيئا , وإنكم إنما أخذتموهن بأمانة الله واستحللتم فروجهن بكلمة الله فاتقوا الله في النساء واستوصوا بهن خيرا - ألا هل بلغت .... اللهم فاشهد.

Ce passage du sermon d'adieu présente des parallèles tranchants avec le verset (4:34) cité plus haut. L'expression وتضربوهن ضربا غير مبرح de ce sermon explique le sens visé dans ce verset. Et le terme Mubarrah signifie de par son étymologie le passage d'un flanc à l'autre. Pour cette raison, le terme "ضرب" de ce verset signifie dans le contexte des exhortations et de la séparation des couches après le délaissement sexuel à l'égard de l'époux : l'idée de ne pas insister en revenant vers elles. Si après ces tentatives elle ne cède pas à son époux, et ne devient pas conciliante et demeure indocile, il peut donc s'en séparer en paix et conscience. Dans un autre hadith le Prophète mentionne les invocations à l'encontre des épouses se refusant à leurs conjoints jusqu'à l'aube, parole montrant que dans l'esprit du Prophète le viol conugal était absolument impensable, chose sans doute caractéristique chez les Arabes trop fiers de céder à ces pulsions face à une femelle. 




*  Lorsque le chameau mâle souhaite copuler avec une femelle, il passe successivelent à droite et à gauche de la chamelle en vue de la rabattre à terre en vue de copuler avec celle-ci. Les termes "ضربا غير مبرح" du semon d'adieu signifiaient donc de la même façon l'idée de ne pas "passer d'un côté à l'autre" en cherchant à copuler avec les femmes indociles. Le terme " نشوز ", signifiant l'idée de se redresser et d'être indocile, étant à comprendre dans le sens du refus de copuler parfois rendu erronément comme la désobéissance dans le sens large.


C-2. Muhammad n'a frappé aucune de ses épouses :

En dehors de ce hadith coranique, un certain hadith est invoqué dans l'optique de l'autorisation de frapper les épouses. Or, dans ce hadith nous lisons de façon explicite et formelle que le Prophète interdit et réprouve le fait de frapper les dames. La fin du récit soutenant un rétractement du Prophète à ce sujet est quant à lui variable et fluctuant.


Analyse

* La partie terminale de ce hadith dont le début interdit strictement de frapper "les servantes de Dieu" est fluctuant et trouble (mudtarib). Ainsi, il possède de nombreuses variables incompatibles. L'une de ces variantes ressort comme la source de toutes ces variantes (reconstruction isnād-cum-matn). Le Prophète interdit aux mâles de frapper les dames. Et Umar ibn al-Khattab vient chez le Prophète se plaindre de ce que les femmes sont devenues insupportables. La réponse du Prophète sur ce aurait été : "Aujourd'hui soixante-dix femmes battues sont encore venues se plaindre de leurs époux, et selon mes épouses ceux-ci ne sont pas les meilleurs de hommes.". (ibn Sa'd, Tabaqāt.) La transmission de cette variante est un exemple d'artéfact d'une approche différente de la question dans l'islam primitif ayant résisté aux indénombrables tentatives d'uniformisation des sources.

- au sujet de cette source, nous constatons une proximité optimale vis-à-vis de toutes les autres variantes :

a) " Ceux qui frappent leurs épouses ne sont pas les meilleurs parmi vous " (version originelle)  
b) " Sur ce il a autorisé à les frapper disant "ceux qui frappent ne sont pas les meilleurs parmi vous " (qualifier ceux-ci de ceux qui ne sont pas les meilleurs est interprété ici comme une permission de frapper, mais non souhaitable)
c) " Ensuite le Prophète l'a permis à nouveau " (le hadith est transmis dans son sens inteprété ainsi en supprimant les termes propres du Prophète)     
d) " Alors frappez-les. Ces femmes ne sont pas les meilleures des femmes " (cette version est une transmission du hadith tel qu'interprété tourné à l'envers (taqlīb) après le mudrajul matn imbriqué au récit dans les versions 2 et 3 citées supra)
La variation du récit a ainsi progressé à partir du récit cité plus haut étape par étape. Ainsi les termes "ensuite il l'a à nouveau autorisé" et toutes les autres variantes dérivent de cette parole originelle du Prophète : " au jourd'hui encore soixante-dix dames battues sont venues se plaidre de leurs époux, ceux-ci ne sont pas selon mes épouses les meilleurs des hommes parmi vous".

De l'expression "ceux-ci ne sont pas les meilleurs des hommes" il a été compris "donc ceci n'est pas formellement prohibé mais permis". Or cela est incohérent, puisqu'au début du hadith le Prophète dit nettement : "ne frappez pas les servantes de Dieu". Ce hadith constituait donc initialement une interdiction formelle de frapper les femmes de la bouche du Prophète.
 

C-3 . Exemple du Prophète:

Le Coran enseigne que le prophète est un exemple à suivre, et Aïcha rapporte qu'en dehors des confrontations sur les champs de batailles le Prophète n'a frappé personne qu'il s'agisse d'une personne libre ou d'un esclave. (Muslim rapporte cela suivant une source tenue pour fiable.)


C-4. Le Prophète a séparé deux couples quand les femmes ont été maltraitées :

ibn Abbas, rapporte qu'après les noces de Tahbit ibn Qays celui-ci cassa le bras de son épouse.  " Ô Messager, je ne me plaindrai pas au sujet de la foi de mon époux, mais je crains après avoir cru de me mettre en défaut au sujet de la religion " aurait-elle dit au Prophète. Muhammad lui demandant : "Es-tu susceptible de lui remettre son jardin qu'il t'a offert pour dot ?. Elle de répondre : "Oui". Sur quoi le Prophète commandera à Thabit de reprendre son jardin et se séparer d'elle. (rapporté par al-Bukhari, Tirmidhi, abu Davud et ibn Majah, ...) De même, le prophète aurait séparé un autre couple de façon unilatérale sur demande de l'épouse encore une autre fois.


C-5. Le Prophète Muhammad déconseille à une amie d'épouser un homme connu comme étant violent :  

Fatima bint Qays ayant reçu trois invitations au mariage par Sufyan, Muawiya et abu Jahm vint demander conseil chez le Prophète. Celui-ci répondit à Fatima : "Le bâton d'abu Jahm ne descend jamais de son épaule, Muawiya est démuni et sans moyens, épouse plutôt Usama".  Fatima bin Qays répondit : "Je ne resens rien à son égard". Or, il réitéra : "Epouse plutôt Usama". Fatima dira plus tard : "J'ai suivi son conseil et les amies m'enviaient". (repris par Muslim)


C-6 . Hadith forgés, faibles ou orientés :

C-6.1. abu Dawud (2.142) : "Une personne ne sera pa interrogée pour avoir frappé son épouse." 

- Ce hadith est très faible et sans aucun poids. Et il contrevient aux autres hadiths sains rapportant les pratiques du Prophète en cas de violence conjugale.

C-6.2. Certains prétendent que Muhammad aurait un jour frappé Aïcha à la poitrine. Or, le hadith cité pour cette fin parle plutôt de "pousser" (لحد) à la poitrine. On peut lire que Muhammad mécontant la repoussa en touchant sa poitrine, mais la fragilité de son épouse fit qu'elle en resentit une certaine douleur. Cela n'est certes pas élégant mais parler de frapper est inexact et erroné. Par ailleurs, la perception personnelle d'Aïcha suivant son témoignage cité plus haut où elle dit que jamais en dehors des champs de bataille le Prophète n'a frappé quiconque est très limpide. Par conséquent le hadith invoqué, quoi que sain n'indique aucune intention de faire mal.

C.6.3. Parfois, le hadith que nous allons analyser infra est également invoqué pour soutenir l'interprétation classique du passage du Coran étudié ici.  Selon ce hadith une femme serait arrivée chez le Prophète se plaindre de la violence de son époux. Et le verset étudié aurait été révélé rendant licite le fait de les frapper. Cela est FAUX. (Le hadith est rapporté de source fiable selon Muslim.)

* En fait, la lecture du récit montre que la femme ne s'est nullement plainte au Prophète de violence conjugale. Celle-ci portait une trace de meurtrissure, mais celle-ci pourait fort bien être survenue lors des ébats sexuels involontairement. Abdurrahman apprenant que son épouse est allée chez le Prophète arriva juste après elle. La femme ne mentionne nullement des coups mais dit très exactement : " Dieu m'est témoin que je ne lui ai causé aucun tord, mais celui-ci est impuissant et m'est aussi utile que ceci" en secouant les franges de sa robe pour dire qu'il n'est pas puissant, sur quoi Abdurrahman dit : " Dieu m'est témoin, ô Messager qu'elle a menti. Je suis un mâle très puissant et puis l'assouvir, mais c'est plutôt qu'elle désire se séparer de moi en sorte à retourner chez Rifa'a son ex mari". Sur ce, le prophète dit à la femme : "Si ton intention est bien de retourner à ton ex mari, tu ne peux retourner à lui sans avoir consommé un autre mariage." Et regardant vers Abdurrahman et deux jeunes hommes à ses côtés il lui demanda : "Ceux-ci sont-ils tes garçons ?" Abdurrahman répondit par l'affirmative. Alors le Prophète dit à la femme : " Tu affirmes qu'Abdurrahman est impuissant, mais ses deux garçons lui resemblent comme des corbeaux entre-eux."
a) La femme ne se plaint nullement de violence chez le Prophète, mais souhaite se séparer.
b) Elle affirme que celui-ci est impuissant et inapte à l'assouvir.
c) Le Prophète fait remarquer l'incohérence de son affirmation de par la resemblance entre Abdurrahman et ses deux fils.
d) Pour cette raison, il rapelle à la femme qu'elle ne peut retourner selon le Coran à son ex mari avant d'avoir consommé un mariage avec un autre homme entre-temps. (Cor. 2.230)

D-6.4. Un autre hadith, faible, est souvent invoqué également dans la systématique de vouloir autoriser à frapper les épouses. Or, ce fameux hadith ne remontant pas jusqu'au Prophète et dont toutes les voies de transmissions interrompues (mursal) remontent à ibn Jafar est utilisé comme une preuve de façon totalement partisane et orientée. Une seule variante remontant de façon régulière jusqu'à ibn Marduya (mawkuf) est connue pour ce récit, qui est également faible. Malgré qu'aucune des variantes de ce récit ne soit fiable, des juristes la considèrent comme saine en en assemblant toutes les variantes ensemble. Cherchant ainsi à rendre le récit faible sain dans un raisonnement tautologique sur base de l'ensemble des hadiths étudiés plus haut interoprétés systématiquement en ce sens. Mais ce récit a-t-il pu avoir lieu avant ou après le hadith où le Prophète interdit "de battre les servantes de Dieu." Car, si le Prophète a permis de les frapper avant ce récit-ci, alors pourquoi aurait-il envisagé d'appliquer le talion plus tard. Par contre ci cette interdiction a suivi cet incidant induisant le fameux verset, comment a-t-il pu contrevenir au verset ? Par ailleurs, ce récit forgé ne nous parvient par aucune source fiable.

Voici le contenu de ce hadith faible : "Une dame vint au Prophète se plaindre de la violence de son époux, et celui-ci envisagea d'appliquer le talion. sur ce, le verset "les hommes veillent sur les femmes..." fut révélé, et le Prophète dit : "J'ai souhaité une chose, or Dieu a commandé autrement". Mais comme souligné plus haut, les variantes de ce récit sont faibles. Ceux qui affirment qu'il est sain ne présentent aucune source de transmission saine. Historiquement un tel événement n'a jamais pu avoir lieu. Pourtant ce hadith est systématiquement invoqué dans les ouvrages de jurisprudence, appuyé par l'ensemble d'autres hadiths forgés ou interprétés de façon orientée en sorte de la présenter comme fiable par tautologie. Si ce récit avait vraiment eu lieu historiquement, il ne pourrait se situer ni avant, ni après le hadith authentique disant que le prophète Muhammad a interdit de "frapper les servantes de Dieu" avant de se rétracter -rétractement également inexact comme vu plus haut. Cette méthode tautologique de produire du fiable à partir de sources non fiables est ainsi une aberration logique. Et il n'existe pas un seul élément solide en faveur de cette interprétation classique autorisant à frapper son épouse indocile.



D) Les traditions des compagnons et l'islam primitif :

D-1. Le terme "ضرب" du Coran a plusieurs sens autres que "frapper", comme "s'enlasser", "copuler", "jeter", "se serrer contre"... Le Coran l'utilise par ailleurs dans le sens de  : "rabattre", "exposer" ou "trotter".

D-2. Chez les Compagnons le terme "نشوز" rendu traditionellement dans le sens de "l'inobéissance"  est démenti par : Ata , Mujahid, Chabi ou Aïcha, interprétant tous le terme "نشوز" comme le souhait de quitter son conjoint pour un autre. Le sermon d'adieu rejoignant ce fammeux verset expliquant la "crainte de nuchuz" comme la tromperie ou le fait d'amener des étrangers chez-elles en l'absence de l'époux renforce nettement cela.



E) La femme peut divorcer de façon unilatérale par Khul' (خلع) :

Si les époux sont violents à l'égard des femmes, celles-ci peuvent s'en séparer de façon unilatérale par khul'. Nous allons étudier ce sujet plus tard dans un autre article.