jeudi 26 septembre 2013

IV. Le Coran Autorise-t-il de Frapper Les Femmes ?




A. Rapide synthèse de l'histoire de la compilation du Coran :

Le Coran ne consistait pas en une compilation officielle du vivant de Muhammad. Les quelques 35.000 fragments de Coran découverts à Sana'a après l'effondrement d'un toit d'une vieille mosquée dont 56 Corans remontent à la première moitié du premier siècle hégirien, a démontré que le Coran dont nous disposons est conforme au Codex d'Uthman ibn Affan sous sa forme consonantique. Tandis que la version vocalisée a été consolidée, par l'approche selon la rhétorique sémitique de Michel Cuypers, comme organisé rigoureusement suivant des symétries logiques internes aux sourates et dans l'ordre des sourates. Or l'ouvrage d'exégèse le plus ancien dont nous disposons toujours d'une version est celui de Tabari (838-923) postérieur au Prophète de deux siècles. Pour cette raison, la langue et les interprétations de cet ouvrage ancien sont tout de même éloignées de l'idiome originel du vivant du Prophète laissant certains passages du Coran obscurs.

Pour cette raison, un effet de jeux de miroirs entre les usages, traditions, hadiths sains ou faibles et les versets s'est opéré naturellement comme cela est connu au fil de l'histoire, telle une règle inaliénable, en sorte que l'approche jurisprudencielle en soit arrivé au fil du temps à une interprétation presque unanime du verset (Cor. 4:34) : comme autorisant les mâles à frapper leurs épouses. Or, la présentation de cette lecture comme un fait acquis a pris cette forme par un effet de goulot d'étranglement au fil de la dispatition d'ouvrages religieux contenant des avis hétéroclites. Ainsi, les quatre écoles de jurisprudence canoniques ne constituaient qu'une partie des écoles avant Harun al-Rachid. Certains hadiths faibles se sont imposés et ont été mis en avant à cette fin. Cependant, ni ce verset ni un seul hadith considéré sain ne soutiennent l'idée de frapper la femme inobéissante, et le verset ne concerne pas les femmes désobéissantes mais leur refus charnel à l'égard de leur époux. Il n'existe pas d'élément de preuve tangible solide ou vérifiable dans le Coran ou parmi les hadiths sains à ce sujet. La diversité des approches à ce sujet chez les premiers croyants dans l'islam primitif demeure néanmoins sous forme de trace à travers certaines variantes de hadiths, malgré les multiples tentatives d'uniformisation sur ce sujet. Même si ceux-ci sont systématiquement réinteprétés par esprit de tautologie.


B) Coran :

B-1. Le verset censé permettre de frapper son épouse :

ٱلرجال قومون على ٱلنساء بما فضل ٱلله بعضهم على بعض وبما أنفقوا من أمولهم فٱلصلحت قنتت حفظت للغيب بما حفظ ٱلله وٱلتى تخافون نشوزهن فعظوهن وٱهجروهن فى ٱلمضاجع وٱضربوهن فإن أطعنكم فلا تبغوا عليهن سبيلا إن ٱلله كان عليا كبيرا

Le terme "daraba" (" وٱضربوهن ") de ce verset généralement interprété comme l'idée de frapper, est de l'avis unanime des linguistes un mot polysémique. Et en effet, le terme est usité dans le Coran suivant plusieurs sens assez divers.


B-2. Le  sens du mot "ضرب" :

Selon le hadith du sermon d'adieu transmis dans le Jami'ul Sahih de Muslim le verset en question est commenté comme suit "وتضربوهن ضربا غير مبرح" . La racine "ضرب" est polysémique et le Coran en use dans divers sens : "rabattre sa couverture sur la poitrine", "exhiber le braclet de cheville en trottant", "donner des exemples évidents"... La parole "وتضربوهن ضربا غير مبرح" du sermon d'adieu peut ainsi être comrpis de diverses manières. Ainsi, selon al-Ispahani (dans son Mufradat) le mot "daraba" signifie parfois la copulation, et le verset en question peut être interpété comme signifiant par analogie "la copulation avec les épouses". Les Arabes disaient ainsi : " ضرب الفحل النّاقة ", c'est-à-dire "le chameau roux a copulé avec la chamelle" : tandis que le passage d'un côté à l'autre de la femelle pour la mettre au sol pour la rendre docile se dit en arabe " مبرح " (le terme " نشوز " signifiant étymologiquement l'indocilité ou l'idée de ne pas plier).

Le mot "ضرب" rejoint le terme en syriaque "trapa" et signifie l'idée de "se serrer contre quelque chose", ou "s'enlasser" rejoignant le sens de la copulation en langue arabe, et en montre le fondement philologique : nous comprenons pas là que le sens de ce hadith devait être originellement : "Le passage d'un flanc à l'autre, se serrant contre la femme sans la forcer pour la rendre plus docile ".

Il y a donc dichotomisation entre les termes "نشوز" et "ضرب" dans la structure sémantique du passage en question. La partenaire refuse son époux, celui-ci sépare sa couche et la laisse seule avant de revenir à elle.



Le Coran ne fait que des allusions suggérant la copulation, étant récité lors des prières collectives en présence d'enfants. "Si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouviez pas d’eau, alors recourez à la terre pure, passez-en sur vos visages et vos mains." (Cor. 86, 5-7)


La rubrique "ضرب" dans le Lisan al 'arab :

وضَرَبَ الفحلُ الناقةَ يضْرِبُها ضِراباً: نكحها؛ قال سيبويه: ضَرَبها الفحْلُ ضِراباً كالنكاح، قال: والقياس ضَرْباً، ولا يقولونه كما لا يقولون: نَكْحاً، وهو القياس.
وناقةٌ ضارِبٌ: ضَرَبها الفحلُ، على النَّسب.
وناقةٌ تَضْرابٌ: كضارِبٍ؛ وقال اللحياني: هي التي ضُرِبَتْ، فلم يُدْرَ أَلاقِـحٌ هي أَم غير لاقح.وفي الحديث: أَنه نَهى عن ضِرابِ الجَمَل، هو نَزْوُه على الأُنثى، والمراد بالنهي: ما يؤْخذ عليه من الأُجرة، لا عن نفس الضِّرابِ، وتقديرُه: نَهى عن ثمن ضِرابِ الجمَل، كنهيه عن عَسِـيبِ الفَحْل أَي عن ثمنه. يقال: ضَرَبَ الجَمَلُ الناقة يَضْرِبُها إِذا نَزا عليها؛ وأَضْرَبَ فلانٌ ناقتَه أَي أَنْزَى الفَحْلَ عليها.
ومنه الحديثُ الآخَر: ضِرابُ الفَحْلِ من السُّحْتِ أَي إِنه حرام، وهذا عامٌّ في كل فحل.
والضَّارِبُ: الناقة التي تَضْرِبُ حالبَها.
وأَتَتِ الناقةُ على مَضْرِبها، بالكسر، أَي على زَمَنِ ضِرابها، والوقت الذي ضَرَبَها الفحلُ فيه. جعلوا الزمان كالمكان.
وقد أَضْرَبْتُ الفَحْلَ الناقةَ فضَرَبها، وأَضْرَبْتُها إِياه؛ الأَخيرةُ على السَّعة.
وقد أَضْرَبَ. الرجلُ الفحلَ الناقةَ، فضَرَبها ضِراباً

B-3. Traditionellement le terme "نشوز" signale ici l'idée de délaisser ou de tromper :

B-3.1. al-Bukhari rapporte dans son Jāmi ul-Sahīh selon Aïcha au sujet du verset (4:128) que ce terme rendu par "désobéissance" [revenant par ailleurs au verset (34:4) concernant cette fois le comportement des mâles à l'égard de leurs épouses] que le terme "نشوز" signifiait dans ce verset selon Aïcha le souhait d'abandonner son conjoint, ou d'en désirer un autre. (Jāmi'ul Sahīh, al-Bukhari, 62:134)

B-3.2. Ata, Mujahid, Cha'bi, selon ibn el-Arabi soutiennent cette définition d'Aïcha suivant l'ouvrage "Ahkām ul-Qur'ān". Ce verset du Coran et les instructions du Prophète lors du sermon d'adieu commandant aux dames de ne pas faire piétiner leurs couches par des étrangers rejoint en effet nettement cette lecture. Tandis que l'usage par le Prophète lors du sermon d'adieu en lieu et place du terme coranique "نشوز" du terme "فاحشة" signifiant l'idée de tromperie prouve de façon tangible que cela visait uniquement la non obéissance exclusive "sur le plan sexuel". Le commandement de ne pas faire piétiner la couche renforce encore cela nettement. 

B-3.3. En effet l'idée de, "crainte de leur nuchuz", ne pouvant point signifier une crainte "d'être désobéi", cela devient clairement plus cohérent et pertinent. Peut-on "craindre la désobéissance" de son épouse ? Ou bien elle sera conciliante ou bien non. Or, lors du sermon d'adieu le Prophète spécifie qu'il s'agit de l'idée de crainte d'être abandoné ou trompé, si la femme se refuse sexuellement ou ramène des étrangers chez elle en l'absence de l'époux. Le choix du terme "فاحشة" dans le sermon d'adieu est ici concluant à ce sujet.

B-3.4. Dans ce cadre de relations charnelles au sein conjugal, le sens du terme "ضرب" devient plus pertinent quand on le comprend dans le sens de la copulation. Le mot ayant donc ici le sens de "copulation", "s'enlasser" ou "se serrer contre quelque chose"... En langue arabe de nombreux termes sont polysémiques et ceux-ci prennent un sens spécifique selon la phrase où ils sont usités. Si donc le verset a été édicté dans le contexte des relations conjugales charnelles (isotopie), l'idée de délaissement sexuel et de tromperie deviendra prioritaire et le terme "ضرب" sera compris comme l'idée de les aborder "sans passer d'un côté à l'autre en les forçant à plier". L'expression du Prophète achevant cette lecture et n'ayant jamais frappé ses épouses. L'aliénation de ce sens au fil du temps par une culture partiarcale voyant la question de façon unilatérale a entériné une interprétation particulière postérieure au Prophète. Cependant cette lecture est erronée.

Quoi que dans la langue arabe apauvie le terme "ضرب" ait été progressivement réduit à la notion de "frapper", sa racine et son usage multiple dans divers sens dans le Coran témoigne de la richesse sémantique du mot originellement. En effet, la racine du terme "daraba" a généré de nombeux termes parallèles. Sur base d'anciens écrits en syriaque, les linguistes soutiennent que le mot "trapa" signifiant l'idée de "serrer l'un sur l'autre" rejoint le terme "daraba". Le terme "ضرب" rejoint de par sa racine les termes : "شراب " (le vin est obtenu en pressant les raisins), "صراف" (la monnaie est imprimée), "تراب " (la terre est piétinée), de même certains termes coraniques obscurs acquièrent un sens nouveau comme les mots : " تراب" ou "ترا ءب". Kawaibe atraba (78/33) signifiant ainsi "deux seins tel deux gros vases serrés l'un contre l'autre", uruban atraba (36/37) signifiant quant à lui "deux seins découverts et bien dressés serrés l'un contre l'autre" et min bayni as-sulbu wa't tarâib (86/6-7) signifiant quant à lui "entre les reins et l'entre jambes (ou les côtes) de la femme". La traduction forcée de ces passages redevient ainsi intelligible lorsque la racine du mot est maîtrisée. Le thème central étant l'idée de "serrer l'un contre l'autre". L'usage symbolique de ce terme pour la copulation en devient ainsi intelligible.


B-4. La lecture du verset (4:34) à la lumière du sermon d'adieu :

Un sens plus explicite est acquis (voir infra) à la lumière du sermon d'adieu, il faut en outre souligner que le but du mariage à l'époque est la sexualité et la reproduction. La dot rendant licite le sexe de l'épouse à son conjoint. Ce point qui peut choquer les gens à notre époque est néanmoins un fait acquis. Les mâles sont chargés de veiller et de pourvoir aux besoins des épouses, tandis que les épouses sont tenues de protéger leur sexe en leur absence. Si donc un époux craint que son épouse le délaisse ou cherche un autre partenaire (نشوز) il est recommandé de l'exhorter. De séparer leurs couches jusqu'à quatre mois (voir la mise en pratique du Prophète selon al-Bukhari par exemple). C'est juste à ce niveau qu'apparait l'idée de "frapper" l'épouse. Muhammad n'a jamais perçu le terme "ضرب" originel comme l'idée de frapper les épouses. Il a ainsi séparé Fatimah que son époux avait frappé immédiatement, et a même fait affranchir une femme esclave à la suite d'une gifle et tout cela est totalement incompatible avec cette interprétation d'une autorisation à les frapper. Or, le verset qui légifère ce code de divorce unilatéral féminin se situe justement plus loin, dans la même sourate, 94 versets plus loin : (4:128). Le Prophète a donc séparé Fatimah de Thabit ibn Qays qui l'a frappée après le versets avancé pour défendre qu'il est permis de frapper la femme désobéissante (al-Bukhari, Sahīh'ul Jāmi ; 19:11-112).

Pour cette raison, il ressort nettement que ce qui est traité dans ce passage coranique concernait très spécifiquement la sexualité au sein conjugal, le mariage ayant rendu licite le sexe de l'épouse au mari, en sorte qu'introduire un étranger à leur domicile était interdit, de façon que si l'épouse insiste en cela, et introduit chez elles des hommes en l'absence de son époux, et que son époux craigne qu'elle cherche à le quitter, il doive l'exhorter, séparer leurs couches un certain laps de temps et revenir vers elle sans insister. Si donc après toutes ces tentatives celle-ci ne devient pas conciliante, il poura la répudier en toute conscience et justice. " ضربا غير مبرح ", dans le sermon d'adieu signifiant donc l'idée de les aborder sans insister et passer d'un côté à l'autre.


B-5. Le sens des termes ضربا غير مبرح  et mention de la sexualité dans le Coran :

Dans son Mufradat Raghib al-Ipahani mentionne cet usage particulier du terme ضرب qui donne une idée sémiologique plus précise de son sens  : إلتحفتهم الذلة التحاف الخيمة بمن ضربت عليه, ce qui signifie l'humiliation les a couverts comme la tente couvre la personne. Qui rejoint le sens primitif de se superposer, en effet le sens primitif du terme ضرب signifie إيقاع شيء على شيء c'est-à-dire : la superposition d'une chose sur une autre, en dehors de l'usage sous la forme "ضرب على " mentionné par al-Ispahani. Ce qui montre que le sens primitif du verset étudié vise bien l'idée de coucher avec son épouse en s'allongeant sur elle dans sa couche qui a été séparée.


Du fait que les termes غير مبرح constituaient une formule originale, il y a eu des divergences à ce sujet. En langue arabe, le terme مبرح  signifie l'idée de passer d'un flanc à l'autre. Le terme a donc été interprété comme l'idée de ne pas insister. Cependant, tout comme pour le terme ضرب  il est fait ici une analogie avec la copulation chez les chameaux. Le Coran  présente les Bédouins comme les premiers interlocuteurs de Muhammad dans la langue desquels il édicte le Coran, et il existe une série de hadiths rejoignant cette analogie des Bédouins avec les chameaux en vue d'exemplification analogique. Les Bédouins et leurs épouses étant donc le sujet de ce passage, il ressort qu'il y avait là une analogie avec la sexualité chez les chameaux. 

Il est à souligner que cet usage du terme ضرب dans ce passage du Coran est à considérer dans le cadre de la pédagogie sexuelle du Coran. En effet, le Coran mentionne à plusieurs reprises la sexualité, or, la récitation rituelle des versets lors des prières collectives en présence d'enfants rendant la mention de la copulation délicate, celle-ci est mentionnée de façon imagée et suggestive. 


« Vos épouses sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement pour elles. » (Cor.2,187)

« Et parmi Ses Signes (il en est aussi un), Il a créé de vous, pour vous, des épouses, afin que vous trouviez tranquillité auprès d’elles et Il a assigné entre vous amour et miséricorde. » (Cor. 30,21)

« Vos femmes sont pour vous comme un champ de culture ; approchez donc à vos champs par où et comme vous l’entendez. » (Cor. 2,223).

« Que l'homme regarde donc de quoi il a été créé. Il a été créé d'une eau jaillissante. Elle sort d'entre les lombes et les côtes. » (Cor. 86,5 -7).

« Ô les croyants ! Lorsque vous vous levez pour la Salât, lavez vos visages et vos mains jusqu’aux coudes; passez les mains mouillées sur vos têtes; et lavez-vous les pieds jusqu’aux chevilles. Et si vous êtes pollués «junub»,  alors purifiez-vous (par un bain); mais si vous êtes malades, ou en voyage, ou si l’un de vous revient du lieu où il a fait ses besoins ou si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouviez pas d’eau, alors recourez à la terre pure, passez-en sur vos visages et vos mains. Allah ne veut pas vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire sur vous Son bienfait. Peut-être serez-vous reconnaissants. » (Cor. 5,6)


B-6. La traduction de ce passage à la lumière de ces acquis linguistiques et philologiques :


ٱلرِّجَالُ قَوَّٰمُونَ عَلَى ٱلنِّسَآءِ بِمَا فَضَّلَ ٱللَّهُ بَعْضَهُمْ عَلَىٰ بَعْضٍۢ وَبِمَآ أَنفَقُوا۟ مِنْ أَمْوَٰلِهِمْ ۚ فَٱلصَّٰلِحَٰتُ قَٰنِتَٰتٌ حَٰفِظَٰتٌۭ لِّلْغَيْبِ بِمَا حَفِظَ ٱللَّهُ ۚ وَٱلَّٰتِى تَخَافُونَ نُشُوزَهُنَّ فَعِظُوهُنَّ وَٱهْجُرُوهُنَّ فِى ٱلْمَضَاجِعِ وَٱضْرِبُوهُنَّ ۖ فَإِنْ أَطَعْنَكُمْ فَلَا تَبْغُوا۟ عَلَيْهِنَّ سَبِيلًا ۗ إِنَّ ٱللَّهَ كَانَ عَلِيًّۭا كَبِيرًۭا

"Les hommes veillent sur les femmes de par leur faveur physique sur celles-ci, et en pourvoyant matériellement à leurs besoins. Les femmes droites, respectables veillent avec le soutien de Dieu sur leur sexe en l'absence de leurs époux. S'ils craignent que leurs épouses cherchent à les délaisser (pour d'autres) [les délaissant charnellement ou en introduisant des étrangers en leur absence], qu'ils les exhortent, séparent leurs couches (jusqu'à 4 mois au maximum) et les enlassent (dans le but de la copulation, sans insister en passant d'un côté à l'autre). Si elles deviennent conciliantes, qu'ils ne cherchent plus contre elles de voie [pour la répudiation]."
(Cor. 4:34)


C) Les hadiths :

C-1. Le sermon d'adieu, exégèse prophétique du verset (4:34) :

Ce passage du sermon d'adieu est l'explication de ce verset.

ب<يوتكم إلا بإذنكم ولا يأتين بفاحشة , فإن فعلن فإن الله قد أذن لكم أن تعضلوهن وتهجروهن في المضاجع وتضربوهن ضربا غير مبرح , فإن انتهين وأطعنكم فعليكم رزقهن وكسوتهن بالمعروف , واستوصوا بالنساء خيرا , فإنهن عندكم عوان لا يملكن لأنفسهن شيئا , وإنكم إنما أخذتموهن بأمانة الله واستحللتم فروجهن بكلمة الله فاتقوا الله في النساء واستوصوا بهن خيرا - ألا هل بلغت .... اللهم فاشهد.

Ce passage du sermon d'adieu présente des parallèles tranchants avec le verset (4:34) cité plus haut. L'expression وتضربوهن ضربا غير مبرح de ce sermon explique le sens visé dans ce verset. Et le terme Mubarrah signifie de par son étymologie le passage d'un flanc à l'autre. Pour cette raison, le terme "ضرب" de ce verset signifie dans le contexte des exhortations et de la séparation des couches après le délaissement sexuel à l'égard de l'époux : l'idée de ne pas insister en revenant vers elles. Si après ces tentatives elle ne cède pas à son époux, et ne devient pas conciliante et demeure indocile, il peut donc s'en séparer en paix et conscience. Dans un autre hadith le Prophète mentionne les invocations à l'encontre des épouses se refusant à leurs conjoints jusqu'à l'aube, parole montrant que dans l'esprit du Prophète le viol conugal était absolument impensable, chose sans doute caractéristique chez les Arabes trop fiers de céder à ces pulsions face à une femelle. 




*  Lorsque le chameau mâle souhaite copuler avec une femelle, il passe successivelent à droite et à gauche de la chamelle en vue de la rabattre à terre en vue de copuler avec celle-ci. Les termes "ضربا غير مبرح" du semon d'adieu signifiaient donc de la même façon l'idée de ne pas "passer d'un côté à l'autre" en cherchant à copuler avec les femmes indociles. Le terme " نشوز ", signifiant l'idée de se redresser et d'être indocile, étant à comprendre dans le sens du refus de copuler parfois rendu erronément comme la désobéissance dans le sens large.


C-2. Muhammad n'a frappé aucune de ses épouses :

En dehors de ce hadith coranique, un certain hadith est invoqué dans l'optique de l'autorisation de frapper les épouses. Or, dans ce hadith nous lisons de façon explicite et formelle que le Prophète interdit et réprouve le fait de frapper les dames. La fin du récit soutenant un rétractement du Prophète à ce sujet est quant à lui variable et fluctuant.


Analyse

* La partie terminale de ce hadith dont le début interdit strictement de frapper "les servantes de Dieu" est fluctuant et trouble (mudtarib). Ainsi, il possède de nombreuses variables incompatibles. L'une de ces variantes ressort comme la source de toutes ces variantes (reconstruction isnād-cum-matn). Le Prophète interdit aux mâles de frapper les dames. Et Umar ibn al-Khattab vient chez le Prophète se plaindre de ce que les femmes sont devenues insupportables. La réponse du Prophète sur ce aurait été : "Aujourd'hui soixante-dix femmes battues sont encore venues se plaindre de leurs époux, et selon mes épouses ceux-ci ne sont pas les meilleurs de hommes.". (ibn Sa'd, Tabaqāt.) La transmission de cette variante est un exemple d'artéfact d'une approche différente de la question dans l'islam primitif ayant résisté aux indénombrables tentatives d'uniformisation des sources.

- au sujet de cette source, nous constatons une proximité optimale vis-à-vis de toutes les autres variantes :

a) " Ceux qui frappent leurs épouses ne sont pas les meilleurs parmi vous " (version originelle)  
b) " Sur ce il a autorisé à les frapper disant "ceux qui frappent ne sont pas les meilleurs parmi vous " (qualifier ceux-ci de ceux qui ne sont pas les meilleurs est interprété ici comme une permission de frapper, mais non souhaitable)
c) " Ensuite le Prophète l'a permis à nouveau " (le hadith est transmis dans son sens inteprété ainsi en supprimant les termes propres du Prophète)     
d) " Alors frappez-les. Ces femmes ne sont pas les meilleures des femmes " (cette version est une transmission du hadith tel qu'interprété tourné à l'envers (taqlīb) après le mudrajul matn imbriqué au récit dans les versions 2 et 3 citées supra)
La variation du récit a ainsi progressé à partir du récit cité plus haut étape par étape. Ainsi les termes "ensuite il l'a à nouveau autorisé" et toutes les autres variantes dérivent de cette parole originelle du Prophète : " au jourd'hui encore soixante-dix dames battues sont venues se plaidre de leurs époux, ceux-ci ne sont pas selon mes épouses les meilleurs des hommes parmi vous".

De l'expression "ceux-ci ne sont pas les meilleurs des hommes" il a été compris "donc ceci n'est pas formellement prohibé mais permis". Or cela est incohérent, puisqu'au début du hadith le Prophète dit nettement : "ne frappez pas les servantes de Dieu". Ce hadith constituait donc initialement une interdiction formelle de frapper les femmes de la bouche du Prophète.
 

C-3 . Exemple du Prophète:

Le Coran enseigne que le prophète est un exemple à suivre, et Aïcha rapporte qu'en dehors des confrontations sur les champs de batailles le Prophète n'a frappé personne qu'il s'agisse d'une personne libre ou d'un esclave. (Muslim rapporte cela suivant une source tenue pour fiable.)


C-4. Le Prophète a séparé deux couples quand les femmes ont été maltraitées :

ibn Abbas, rapporte qu'après les noces de Tahbit ibn Qays celui-ci cassa le bras de son épouse.  " Ô Messager, je ne me plaindrai pas au sujet de la foi de mon époux, mais je crains après avoir cru de me mettre en défaut au sujet de la religion " aurait-elle dit au Prophète. Muhammad lui demandant : "Es-tu susceptible de lui remettre son jardin qu'il t'a offert pour dot ?. Elle de répondre : "Oui". Sur quoi le Prophète commandera à Thabit de reprendre son jardin et se séparer d'elle. (rapporté par al-Bukhari, Tirmidhi, abu Davud et ibn Majah, ...) De même, le prophète aurait séparé un autre couple de façon unilatérale sur demande de l'épouse encore une autre fois.


C-5. Le Prophète Muhammad déconseille à une amie d'épouser un homme connu comme étant violent :  

Fatima bint Qays ayant reçu trois invitations au mariage par Sufyan, Muawiya et abu Jahm vint demander conseil chez le Prophète. Celui-ci répondit à Fatima : "Le bâton d'abu Jahm ne descend jamais de son épaule, Muawiya est démuni et sans moyens, épouse plutôt Usama".  Fatima bin Qays répondit : "Je ne resens rien à son égard". Or, il réitéra : "Epouse plutôt Usama". Fatima dira plus tard : "J'ai suivi son conseil et les amies m'enviaient". (repris par Muslim)


C-6 . Hadith forgés, faibles ou orientés :

C-6.1. abu Dawud (2.142) : "Une personne ne sera pa interrogée pour avoir frappé son épouse." 

- Ce hadith est très faible et sans aucun poids. Et il contrevient aux autres hadiths sains rapportant les pratiques du Prophète en cas de violence conjugale.

C-6.2. Certains prétendent que Muhammad aurait un jour frappé Aïcha à la poitrine. Or, le hadith cité pour cette fin parle plutôt de "pousser" (لحد) à la poitrine. On peut lire que Muhammad mécontant la repoussa en touchant sa poitrine, mais la fragilité de son épouse fit qu'elle en resentit une certaine douleur. Cela n'est certes pas élégant mais parler de frapper est inexact et erroné. Par ailleurs, la perception personnelle d'Aïcha suivant son témoignage cité plus haut où elle dit que jamais en dehors des champs de bataille le Prophète n'a frappé quiconque est très limpide. Par conséquent le hadith invoqué, quoi que sain n'indique aucune intention de faire mal.

C.6.3. Parfois, le hadith que nous allons analyser infra est également invoqué pour soutenir l'interprétation classique du passage du Coran étudié ici.  Selon ce hadith une femme serait arrivée chez le Prophète se plaindre de la violence de son époux. Et le verset étudié aurait été révélé rendant licite le fait de les frapper. Cela est FAUX. (Le hadith est rapporté de source fiable selon Muslim.)

* En fait, la lecture du récit montre que la femme ne s'est nullement plainte au Prophète de violence conjugale. Celle-ci portait une trace de meurtrissure, mais celle-ci pourait fort bien être survenue lors des ébats sexuels involontairement. Abdurrahman apprenant que son épouse est allée chez le Prophète arriva juste après elle. La femme ne mentionne nullement des coups mais dit très exactement : " Dieu m'est témoin que je ne lui ai causé aucun tord, mais celui-ci est impuissant et m'est aussi utile que ceci" en secouant les franges de sa robe pour dire qu'il n'est pas puissant, sur quoi Abdurrahman dit : " Dieu m'est témoin, ô Messager qu'elle a menti. Je suis un mâle très puissant et puis l'assouvir, mais c'est plutôt qu'elle désire se séparer de moi en sorte à retourner chez Rifa'a son ex mari". Sur ce, le prophète dit à la femme : "Si ton intention est bien de retourner à ton ex mari, tu ne peux retourner à lui sans avoir consommé un autre mariage." Et regardant vers Abdurrahman et deux jeunes hommes à ses côtés il lui demanda : "Ceux-ci sont-ils tes garçons ?" Abdurrahman répondit par l'affirmative. Alors le Prophète dit à la femme : " Tu affirmes qu'Abdurrahman est impuissant, mais ses deux garçons lui resemblent comme des corbeaux entre-eux."
a) La femme ne se plaint nullement de violence chez le Prophète, mais souhaite se séparer.
b) Elle affirme que celui-ci est impuissant et inapte à l'assouvir.
c) Le Prophète fait remarquer l'incohérence de son affirmation de par la resemblance entre Abdurrahman et ses deux fils.
d) Pour cette raison, il rapelle à la femme qu'elle ne peut retourner selon le Coran à son ex mari avant d'avoir consommé un mariage avec un autre homme entre-temps. (Cor. 2.230)

D-6.4. Un autre hadith, faible, est souvent invoqué également dans la systématique de vouloir autoriser à frapper les épouses. Or, ce fameux hadith ne remontant pas jusqu'au Prophète et dont toutes les voies de transmissions interrompues (mursal) remontent à ibn Jafar est utilisé comme une preuve de façon totalement partisane et orientée. Une seule variante remontant de façon régulière jusqu'à ibn Marduya (mawkuf) est connue pour ce récit, qui est également faible. Malgré qu'aucune des variantes de ce récit ne soit fiable, des juristes la considèrent comme saine en en assemblant toutes les variantes ensemble. Cherchant ainsi à rendre le récit faible sain dans un raisonnement tautologique sur base de l'ensemble des hadiths étudiés plus haut interoprétés systématiquement en ce sens. Mais ce récit a-t-il pu avoir lieu avant ou après le hadith où le Prophète interdit "de battre les servantes de Dieu." Car, si le Prophète a permis de les frapper avant ce récit-ci, alors pourquoi aurait-il envisagé d'appliquer le talion plus tard. Par contre ci cette interdiction a suivi cet incidant induisant le fameux verset, comment a-t-il pu contrevenir au verset ? Par ailleurs, ce récit forgé ne nous parvient par aucune source fiable.

Voici le contenu de ce hadith faible : "Une dame vint au Prophète se plaindre de la violence de son époux, et celui-ci envisagea d'appliquer le talion. sur ce, le verset "les hommes veillent sur les femmes..." fut révélé, et le Prophète dit : "J'ai souhaité une chose, or Dieu a commandé autrement". Mais comme souligné plus haut, les variantes de ce récit sont faibles. Ceux qui affirment qu'il est sain ne présentent aucune source de transmission saine. Historiquement un tel événement n'a jamais pu avoir lieu. Pourtant ce hadith est systématiquement invoqué dans les ouvrages de jurisprudence, appuyé par l'ensemble d'autres hadiths forgés ou interprétés de façon orientée en sorte de la présenter comme fiable par tautologie. Si ce récit avait vraiment eu lieu historiquement, il ne pourrait se situer ni avant, ni après le hadith authentique disant que le prophète Muhammad a interdit de "frapper les servantes de Dieu" avant de se rétracter -rétractement également inexact comme vu plus haut. Cette méthode tautologique de produire du fiable à partir de sources non fiables est ainsi une aberration logique. Et il n'existe pas un seul élément solide en faveur de cette interprétation classique autorisant à frapper son épouse indocile.



D) Les traditions des compagnons et l'islam primitif :

D-1. Le terme "ضرب" du Coran a plusieurs sens autres que "frapper", comme "s'enlasser", "copuler", "jeter", "se serrer contre"... Le Coran l'utilise par ailleurs dans le sens de  : "rabattre", "exposer" ou "trotter".

D-2. Chez les Compagnons le terme "نشوز" rendu traditionellement dans le sens de "l'inobéissance"  est démenti par : Ata , Mujahid, Chabi ou Aïcha, interprétant tous le terme "نشوز" comme le souhait de quitter son conjoint pour un autre. Le sermon d'adieu rejoignant ce fammeux verset expliquant la "crainte de nuchuz" comme la tromperie ou le fait d'amener des étrangers chez-elles en l'absence de l'époux renforce nettement cela.



E) La femme peut divorcer de façon unilatérale par Khul' (خلع) :

Si les époux sont violents à l'égard des femmes, celles-ci peuvent s'en séparer de façon unilatérale par khul'. Nous allons étudier ce sujet plus tard dans un autre article.